Lions de Metal
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Suivi de la campagne Earthdawn des Lions de Pierre, 6ème saison.
 
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 Chapitre 47 - Multiples abordages

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Valérian
Éclaireur humain et questeur d'Astendar
Valérian


Messages : 842

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MessageSujet: Chapitre 47 - Multiples abordages    Chapitre 47 - Multiples abordages  Icon_minitimeLun 23 Mai - 11:11

Chapitre 47 – Multiples abordages
 
Durant la semaine de repos, nous avions convenu qu'un petit groupe irait à la recherche de l'Insoumise qui devait nous attendre le long de la rivière de Servos, peu avant que le cours d'eau ne se jette dans le fleuve Serpent. Les autres resteraient sur place avec le trésor. Compte tenu du poids et de l'encombrement de ce dernier, nous serions très vulnérables pendant le déplacement, il était donc préférable de placer notre moyen de transport au plus près. Et éventuellement de rapporter quelques bras supplémentaires.
J'étais sceptique sur la composition de l'équipe retenue. Si je n'avais rien à reprocher à la discrète T'saslinka, la présence de Ghorghor, en revanche, m'apparaissait nettement moins pertinente. Il allait nous ralentir et faire du bruit. Certes, il apportait une puissance de frappe et d'encaissement indéniables mais il allait surtout attirer les ennuis. Là encore, je me pliai à la décision collégiale.
 
Je confiai les anneaux d'Astendar à Thregaz. Comme ces derniers permettaient d'ouvrir le souterrain sous l'autel d'Astendar, ils lui seraient plus utiles qu'à moi. Je n'en eu pas moins un léger pincement au cœur en m'en séparant.
 
Toutefois, avant le départ, il me restait une dernière chose à accomplir et certainement pas la plus facile. Je m'approchai de l'elfe Faliniaë et je l'entrainai à l'écart.
" Mira, je crois qu'il est temps pour toi de rendre son corps à sa propriétaire.
- Je ne vois pas pourquoi. Je suis beaucoup plus utile comme cela, répondit-elle sans hésitation.
- Peut-être mais ce corps n'a ni la résistance ni la capacité à marcher silencieusement nécessaires pour l'expédition.
- Fort bien. J'attendrai donc ici, répliqua-t-elle sans ciller.
- Hein ? Mais… heu… tu vas faire quoi toute seule ?
- Tout d'abord, je ne serai pas seule puisque les trolls, les elfes et la t'skrang malpolie seront là aussi. Ensuite, mes talents seront utiles si jamais le trésor est attaqué."
Je notai mentalement qu'il semblait plus important pour elle de protéger le trésor que de veiller sur son "chéri". Pas de doute, elle était bien princesse. Et au temps pour son amour pour moi. Je fis tout de même une dernière tentative.
"Je pense que tu as suffisamment profité du corps de Faliniaë et qu'il est plus que temps que tu le lui rende.
- Hum… tu ne disais pas cela hier… ni avant-hier… et ni les jours d'avant. Tu en as bien profité aussi, non ?
- Je ne le nie pas mais toutes les bonnes choses ont une fin et il n'était pas question que tu possèdes ce corps aussi longtemps.
- Non, répondit-elle avec son plus beau sourire en s'approchant d'un pas et en vrillant son regard au mien.
- Non ?
- Non, je ne quitterai pas ce corps tout de suite, poursuivit-elle en faisant un nouveau pas vers moi. Je t'ai déjà dit que je veillerai sur le trésor. Et je serai là pour récompenser mon héros à son retour victorieux."
Elle était désormais tout proche, lèvres entrouvertes en une subtile promesse. Je sentais son souffle léger et mon absence de volonté vacillait déjà. La garce savait y faire ! Je perdais déjà mes duels mentaux avec elle lorsqu'elle était désincarnée. Alors maintenant qu'elle avait les beaux yeux de Faliniaë – et tout le reste – ma résistance était au mieux symbolique.
"Bon, d'accord, capitulais-je. Tu peux être utile pour veiller sur le trésor. Mais à mon retour, on en reparlera.
- Oui, oui, répondit-elle d'un ton léger. Je sais, c'est reculer pour mieux sauter."
Je ravalai une réplique peu galante et la plantai là. Je perçus néanmoins son large sourire dans mon dos.
 
C'est à ce moment-là que nous perçûmes le bruit. L'air avait un son différent et nous levâmes tous la tête pour apercevoir une flotte volante thérane qui survolait la jungle. L'un d'entre eux était juste énorme et c'était un prodige de voir un tel monstre voler. Selon Thregaz, c'était un Behemoth, un des plus puissants navires aériens qui existaient, juste après son Souffle de Tystonius bien sûr.
Ils suivaient un cap à l'est et cela n'augurait rien de bon. Pourquoi un tel déploiement de forces maintenant ? Cela faisait des années que les thérans restaient calmes. Qu'est-ce qui avait changé ?
Devant ce défilé, les expressions de chacun étaient éloquentes. Méfiante, voire hostile, pour les aventuriers et craintive pour les ex-esclaves elfes. Seule Faliniaë avait le sourire aux lèvres et le regard fier. Cela aussi poserait un problème un jour. 
 
 
Trois jours plus tard, T'saslinka, Ghorghor et moi pataugions dans une zone humide d'une jungle luxuriante. Pas de doute, la rivière Servos ne devait plus être loin. Malgré la présence du nain, nous avions réussi, jusque-là, à éviter les prédateurs locaux. Il avait fallu le désembourber deux fois mais cela aurait pu être pire.
Ces derniers jours, j'avais eu tout le temps de réfléchir à Mira. En fait, il serait plus juste de dire qu'elle accaparait mes pensées. Nos dernières conversations montraient bien les limites de son prétendu attachement inconditionnel à ma personne. Mais, par les Passions, elle me manquait déjà !
Avoir un esprit désincarné avec soi était certes perturbant, mais j'avais pris plaisir à nos discussions mentales. Sans parler du reste maintenant qu'elle avait un corps.
 
Ces pensées parasitèrent sans doute ma vigilance et je m'adressai à mes compagnons d'une voix un peu trop forte pour leur demander si tout allait bien. Au même moment, je perçus une odeur de viande cuite. Un grognement de mon estomac m'indiqua qu'il l'avait aussi senti. J'entendis des voix chuchoter plus loin. Pas de doute, nous n'étions plus seuls. D'un geste, je fis signe aux autres de se dissimuler et me trouvai une modeste cachette à proximité du nain qui était posé dans une zone boueuse, derrière un buisson de joncs qui le masquait à peine. Le seul avantage, c'est qu'après trois jours à patauger dans cette jungle, il avait la même couleur que le buisson. De son côté, T'sas avait cassé un roseau et avait disparu dans une zone un peu plus profonde. Seul le mince tube dépassait.
 
Un groupe de cinq donneurs de noms arriva vers nous, hésitants. Quatre t'skrangs et un troll que j'identifiai rapidement comme appartenant à la bande de Langue-Jaune T'Silver. Comment ces salopards nous avaient-ils retrouvés ? Par miracle, les ruffians ne nous aperçûmes pas. Mais la chance tourna lorsque le troll, prenant la masse compacte de Ghorghor pour une souche ou un rocher, entreprit de s'y asseoir. Le nain roula sur lui-même et le troll s'écroula dans la boue, surpris.
Les choses allèrent très vite ensuite. T'saslinka jaillit de sa mare et mit sa lame sous la gorge d'une t'skrang pirate stupéfaite. De mon côté, je bondis de ma cachette et blessai gravement le t'skrang qui eut la mauvaise idée de tenter de m'attaquer. Quant à Ghorghor, il s'était déjà redressé et menaçait le troll à terre. Le combat était terminé avant même d'avoir commencé et nos adversaires eurent suffisamment d'intelligence pour le comprendre. Personne n'ayant à cœur de les tuer de sang-froid, nous les laissâmes fuir. Par ailleurs, de par des bribes de leur conversation perçues lorsqu'ils nous cherchaient, j'en avais déduis qu'ils étaient certainement égarés. Il n'était pas certain qu'ils retrouvent le Haut-landais violent pour prévenir leur capitaine de notre arrivée. Toutefois, la présence des pirates était inquiétante, tant pour nous que pour l'Insoumise.
 
En plus de nous prévenir de la présence de Langue-Jaune et de ses soudards, cet accrochage eut aussi l'avantage de nous fournir un délicieux cochon cuit à point que nous récupérâmes au campement improvisé des fuyards. Un petit plaisir inespéré que nous n'allions pas bouder.
 
Le lendemain, nous étions dissimulés dans la végétation, les yeux fixés sur l'Insoumise. Le navire n'avait pas été difficile à trouver mais la présence des pirates nous avait rendus méfiants et un peu d'observation nous sembla nécessaire.
Il nous fallut peu de temps pour remarquer que les quelques t'skrangs qui vaquaient sur le pont étaient en bonne partie des mâles. Étrange pour un navire dont l'équipage était exclusivement féminin. Bref, ça sentait le piège à plein nez. Nous décidâmes de nous replier et de revenir à la nuit tombée pout tenter une approche furtive.
 
T'saslinka fut choisie pour cette mission. Elle était discrète et, surtout, elle connaissait bien et le navire et l'équipage. En milieu de nuit, profitant de la faible clarté ambiante, la jeune t'ksrang monta discrètement à bord.
Moins d'une heure plus tard, deux silhouettes revinrent tout aussi silencieusement vers nous. T'sas avait découvert que Langue-Jaune T'silver détenait Volupsia et nous attendait avec une partie de l'équipage du Haut-landais violent afin de nous attaquer lorsque nous ramènerions le trésor. Elle avait donc libéré Volupsia. Cette dernière nous informa que le navire pirate mouillait dans une crique à proximité d'ici. L'équipage de l'Insoumise y était détenue et les t'skrangs avaient été placées aux fers. Nous prîmes la décision d'aller les libérer avant que la nouvelle de l'évasion de la capitaine t'skrang n'incite Langue-Jaune T'silver à augmenter la garde.
 
Un peu plus d'une heure après, nous arrivâmes sur la berge de ladite crique. Le Haut-landais violent se tenait en plein milieu, isolé des rivages et solidement maintenu par ses ancres. Il fallut alors négocier avec Volupsia afin qu'elle accepte de rester là avec Ghorghor, le temps que T'saslinka et moi parvenions à libérer son équipage.
Désormais habitués à la manœuvre, nous montâmes discrètement à bord par une chaîne d'ancre. Après avoir assommé une sentinelle aussi peu sobre que vigilante, nous nous faufilâmes dans la cale inférieure. La voleuse t'skrang entreprit alors de libérer ses sœurs d'aventure pendant que je me dirigeai dans la partie occupée par les pirates. Je récupérais le plus silencieusement possible leurs armes pour les apporter du côté des t'skrangs délivrées.
 
Que ce soit à cause des exclamations de reconnaissance des prisonnières, des bruits des fers ou de celui des armes que je soustrayais, l'un des pirates se réveilla. Je m'en aperçu et lui collai un coup de pommeau d'épée pour tenter de l'assommer. En vain. Ces fichus pirates t'skrangs avaient décidément la tête dure ! Il se redressa en beuglant de douleur puis donna l'alarme. Les pirates furent pris au dépourvu par l'attaque et par l'absence de leurs armes mais ils étaient nombreux. Par chance, certaines des ex-prisonnières avaient déjà récupéré une arme et vinrent me prêter main-forte. Seuls quelques pirates parvinrent à s'échapper et à rejoindre le pont supérieur pour donner l'alarme.
Une fois toutes les filles libérées et armées, nous fonçâmes à notre tour vers l'extérieur pour combattre les pirates restants et nous rendre maîtres du navire. Ghorghor et Volupsia vinrent nous rejoindre à bord d'une barque trouvée le long de la berge.
 
De mon côté, au milieu des combats qui faisaient rage sur le pont, je me retrouvai face à une connaissance : Yourk Gros-foie ! Ce dernier me pointa de son gros hachoir et fonça sur moi.
"Ha ! Je vais te couper en deux, morveux !"
J'esquivai son attaque et nous entamâmes un duel. Le combat fut difficile. Il me blessa une fois et je le touchai deux fois. Je lui lançai quelques sarcasmes qui firent mouche mais sans réellement entamer son efficacité combattive. Une énième pique verbale l'excéda et il me jeta son hachoir que j'esquivai d'extrême justesse. Mais le salopard avait suivi son arme et il me tomba dessus avant que j'ai pu me replacer. Sa charge me renversa et il m'agrippa, bien décidé à me régler mon compte au corps-à-corps. Face à une brute de ce calibre, j'étais mal barré.
 
Heureusement, la providence se manifesta sous les traits de Ghorghor (la providence est taquine, il faut avouer) qui monta à bord à ce moment-là. Avisant ma situation, il fonça à mon aide. Yourk me lança pour faire face à la menace de l'armurier nain. Je ne demandai pas mon reste et me relevai en titubant pour récupérer mes esprits, puis mon arme. Estimant que Ghorghor était de taille contre l'ork, je partis aider nos t'skrangs. Il est tout de même préférable d'aller secourir des filles, même si ce sont des t'skrangs, que de se faire ridiculiser par un ork, non ?
Galvanisées par l'arrivée de Volupsia, plus que par la mienne, nos t'skrangs se rendirent bientôt maître du navire. Constatant la tournure du combat, Yourk parvint – une fois de plus – à s'enfuir.
 
Compte-tenu que la puissance de feu était désormais de leur côté, Volupsia doutait que Langue-Jaune prenne le risque d'attaquer son propre navire avec l'Insoumise. Cela nous laissait un peu de répit pour aller récupérer le trésor et ramener du renfort. Deux trolls de plus seraient les bienvenus pour attaquer ce qu'il restait des pirates. Malheureusement, le Haut-landais violent nécessitait un équipage plus conséquent que l'Insoumise et la capitaine ne pouvait nous confier aucune de ses t'skrangs. Il faudrait faire avec nos petits bras et notre brave mule.
 
Un peu plus d'une journée plus tard, nous revînmes aux ruines du temple des Passions et informâmes les autres des dernières nouvelles. Les réactions furent diverses mais Thregaz ne masqua pas son intérêt pour une bonne baston, histoire de clore cette aventure sur un tempo un peu rythmé.
À propos de tempo, les tambours des t'skrangs primitifs résonnaient ici et là dans la jungle et cela durait depuis près de trois jours. Sans doute avaient-ils repéré les deux navires sur la rivière. Raison de plus pour ne pas traîner dans le coin.
 
Je m'occupai ensuite du cas de Mira. Cette dernière était en pleine joute verbale contre Katsika et opposait une fin de non-recevoir pour porter son quota de trésor. La maîtresse d'armes, déjà d'un naturel peu patient, commençait à s'énerver. L'elfe me vit arriver et m'attendit le pied ferme, sourire séducteur aux lèvres et menton fièrement levé. Je le pris par le bras et l'entrainai rudement à part.
"Hé ! Tu me fais mal ! Arrêtes ça ! Tu me ridiculise !
- Mira, ça suffit ! Arrêtes de faire ta princesse !
- Je ne FAIS pas ma princesse. Je SUIS une princesse, répliqua-t-elle avec aplomb.
- Heu… certes. Il faut que l'on reparte vers le navire avec tout le trésor et nous avons besoin de tout le monde. Alors, soit tu conserves ce corps et tu portes ta part, soit tu laisses Faliniaë le faire et tu reviens avec moi.
- Mais ils peuvent sans doute en porter un petit peu plus chacun, non ?
- Mira !
- Mais c'est quoi ce royaume où fait faire des travaux de force aux princesses ?!
- Faliniaë n'est pas princesse.
- Mais moi si !
- Peut-être, mais c'est son corps. À toi de choisir.
- Et toi ? Tu ne portes presque rien !
- Hé ! J'ai pris dix kilos de plus et je fais l'éclaireur. Si je ne suis pas mobile, je suis mort.
- Je peux peut-être faire éclaireur aussi ?
- Mira !
- Bon, d'accord, je vais porter le gros sac mais cela demandera compensation à l'arrivée, répondit-elle avec un sourire en coin et l'œil brillant.
- Je sais. Rien n'est gratuit avec toi."
J'allais encore devoir faire don de mon corps à l'arrivée. Mais quel sacrifice ne ferais-je pas dans l'intérêt du groupe ?
 
Après une nuit de repos, le groupe quitta les ruines à l'aube, lourdement chargé. Nous avions pu nous répartir l'intégralité du trésor mais il fallait espérer qu'il n'y aurait pas d'embuscade car le groupe serait très peu réactif. J'avais intérêt à ne pas merder aujourd'hui dans mon boulot.
 
Finalement, tout se passa bien et nous arrivâmes en vue du Haut-landais violent deux heures avant la tombée de la nuit. J'avais toutefois remarqué, ici et là sur le fleuve, des mouvements de canoës t'skrangs qui se dirigeaient vers le navire pirate. Une tentative d'abordage était à craindre sous peu.   
 
Nous chargions les deux dernières barques, tout en pataugeant dans des algues immondes qui donnaient la nausée, lorsque les t'skrangs primitifs lancèrent l'assaut. Cinq gros canoës chargés de guerriers convergeaient de chaque côté du fleuve vers le Haut-landais violent à bord duquel le branle-le-bas de combat était lancé.
Nous étions encore six à terre : Ghorghor, Thregaz, l'elfe Merendis, deux t'skrangs de Volupsia et moi. Une fois le chargement terminé, nous tentâmes de rejoindre le navire le plus rapidement possible mais cela allait être difficile : nos barques étaient lourdement chargées et nos rameurs peu nombreux. Les canoës avaient prévu une manœuvre d'interception en passe de réussir.
 
Mais c'était sans compter sur la vigilance et les talents de capitaine de Volupsia. Elle fit manœuvrer le navire rapidement afin de s'interposer entre nous et le groupe de canoës le plus rapide, celui qui descendait la ravière, puis lâcha une canonnade de chaque bord, sans grande efficacité malheureusement.
Alors que le second groupe de canoës était presque sur nous, Afiriz tissa un sortilège et un brouillard de peur apparut au milieu des assaillants, semant une confusion et une terreur telle que tous les occupants plongèrent dans la rivière, nous laissant ainsi tout le temps de rejoindre le navire. Ghorghor, Merendis et une t'skrang restèrent dans les barques pour décharger le reste du trésor. Thregaz monta à bord pour manipuler le palan. Avec sa force, cela devrait aller vite. Je restais à proximité, arbalète chargée pour couvrir la manœuvre.
 
Sur bâbord, l'abordage était lancé et près d'une cinquantaine de primitifs tentaient de prendre pied sur le pont. Les filles de Volupsia et les elfes faisaient de leur mieux pour les en empêcher. J'aperçus sur le pont arrière Faliniaë qui donnait des ordres aux elfes à proximité, sans grand effet.
 
Des cris retentirent soudain de notre côté. Un coup d'œil me permit de constater que les t'skrangs qui avaient sauté à l'eau après le sortilège d'Afiriz attaquaient désormais le tribord et certains montaient dans les barques où se tenaient encore Merendis et une t'skrang. Ghorghor, pour sa part, était monté à bord pour remplacer Thregaz au palan afin que ce dernier puisse aller combattre. Nos assaillants étaient menés par un chef colossal pour un t'skrang. Sa stature égalait celle sans problème celle d'un ork. Ghorghor jeta un filin à nos alliés qui étaient encore dans les barques puis remonta l'échelle de corde, alors que je décochais un carreau au gros t'skrang pour attirer son attention et le stopper dans son assaut. Le projectile le toucha. Il s'arrêta, dirigea un regard chargé de colère vers moi et porta rapidement une sarbacane à sa bouche. Le petit projectile me frappa avant que j'ai eu le temps de me baisser. Plus gênant encore, je sentis la piqûre à travers mon armure de cuir. J'allais donc avoir droit aux effets du poison dans pas longtemps. De mieux en mieux. Je me trouvais déjà assez peu efficace jusque-là. Restait à espérer qu'il ne soit pas mortel.
 
Finalement, ce fut Ghorghor qui sauva la situation. Empoignant un second filin, il se laissa glisser prestement dans les barques et repoussa l'attaque des primitifs pendant que les deux trainards montaient finalement à bord. Il parvint ensuite à les suivre avant que les adversaires n'aient eu le temps de se réorganiser pour lancer un nouvel assaut.
J'aperçus, sur bâbord, Thregaz aux prises avec un autre t'skrang énorme. Au moins, leurs chefs étaient faciles à identifier. Kat'sika, T'saslinka, Volupsia et ses filles ferraillaient de leur mieux sur le pont, parvenant à empêcher les primitifs de les déborder pour profiter de leur surnombre. Afiriz était toujours en retrait derrière son époux, tissant ses sortilèges en fonction des opportunités. Les elfes avaient fini par trouver des arcs et effectuaient un tir de soutien modeste mais pas inutile. Faliniaë s'agitait auprès d'eux sans beaucoup d'efficacité. Un peu comme moi d'ailleurs, l'agitation en moins. J'essayai de déterminer l'endroit où je serai le plus utile mais constatai que j'étais victime d'un étourdissement que je ne parvenais pas à dissiper. Une torpeur qui me laissait conscient mais sans réelle prise sur mon environnement. Tout semblait me parvenir de plus loin et j'éprouvais énormément de difficultés à faire appel à mes talents d'adepte. Je ne sais pas ce qu'était le poison de la sarbacane mais c'était une belle saloperie !
 
Comme dans un rêve, j'aperçus l'Insoumise approcher du Haut-landais violent, sans réaction particulière des primitifs. Ce salopard de Langue-Jaune avait réussi à s'allier les tribus de t'skrangs du coin ! Les choses allaient de mal en pis et je me trouvais dans l'incapacité de réagir.
Visiblement inquiètes par l'arrivée de renforts ennemis, les t'skrangs de Volupsia marquèrent le coup et cédaient du terrain. Un nouveau groupe de primitifs pu monter à bord et accroître la pression.
Il était temps que je fasse quelque chose. J'avançai vers un flanc et haranguais nos troupes. J'évoquai le courage contre l'adversité, l'espoir contre le découragement, la fierté de servir avec de si braves compagnes et compagnons d'armes, le fait d'avoir mis la main sur un énorme trésor et qu'il fallait survivre pour en profiter, que Langue-Jaune T'silver était un scélérat qui faisait honte à la profession et à la noble race du peuple des rivières.
Enfin, c'est ce qui était prévu. Toutefois, vu mon état, seul un discours décousu et pâteux sortit de ma bouche, sans la moindre trace du panache et de la ténacité qu'il était censé inspirer. Par ailleurs, les t'skrangs de Volupsia parlaient, pour la plupart, assez mal le théran. Et les elfes pas du tout.
Bref, à part un ou deux regards étonnés en coin, mon discours ne déclencha rien et me replongea dans les affres d'une inaction désespérante.
 
Excédé, je mobilisai le peu de volonté qui me restait, tirai mon épée et m'avança vers un ennemi. Toutefois, me battre dans cet état cotonneux s'avéra des plus ardus et j'avais toujours un temps de retard sur le t'skrang qui me faisait face. Ce dernier n'eut aucune difficulté à dévier ma faible attaque de son bouclier de bois puis il répliqua d'un coup de lance qui m'atteignit en pleine poitrine, me faisant reculer et manquant de me jeter à terre. Plutôt que pousser son avantage, il m'estima certainement indigne de lui et se détourna, allant attaquer une t'skrang de Volupsia qui avait plus de répondant.
 
Je chancelai vers l'arrière et allai m'adosser dans un coin calme du bastingage et me contentai de regarder la scène, comme si je n'étais pas vraiment concerné alors qu'une partie de moi-même enrageait de ne pouvoir aller aider mes amis. Je cherchai Faliniaë du regard et vit qu'elle allait bien, toujours avec les elfes mais plus calme. Je tentai de croiser son regard, mais en vain. Pour elle non plus, j'avais l'impression de ne plus exister.
Miraëlan vibrait de vitalité dans le corps de l'elfe, magnifiant son charisme naturel. De mon côté, je n'avais plus aucune prise sur mon environnement et je flottais, comme si j'étais à mon tour désincarné. Une étrange inversion des rôles. J'en vins à me poser la question de la nature du lien qui me liait à elle. Peut-être était-ce plus que cela et que celui-ci m'affaiblissait progressivement, comme un drain, en la renforçant elle. Ceci expliquerait assez bien mes revers de ces derniers jours mais je n'aimais pas du tout la tournure de mes pensées et revint au réel, autant que possible vu mon état et mettant ces idées dérangeantes sur le compte du poison.
 
Progressivement et contre toute attente, je vis la situation évoluer en notre faveur. Thregaz se débarrassa du chef t'skrang de son côté, les sortilèges d'Afiriz, l'efficacité du commandement de Volupsia et les tirs désormais plus assurés des elfes commençaient à faire plier les t'skrangs primitifs, consternés par la défense de ces étrangers qu'ils auraient dû submerger sous le nombre. L'écumeur du ciel troll poussa un cri de guerre et chargea la mêlée, son arme rougie du sang du chef des primitifs. C'en fut trop pour ces derniers et ils commencèrent à reculer, puis à fuir, les uns après les autres d'abord, puis toute la ligne ennemie céda à la panique et ce fut la débandade.
Ghorghor, qui tenait le flanc tribord avec quelques t'skrangs, reçut alors un renfort qui lui permit de mettre en déroute les derniers ennemis.
Juste à temps pour faire face à la nouvelle menace. 
 
L'insoumise s'était arrêtée à quelques dizaines de mètres. Langue-Jaune T'silver semblait quelque peu désappointé que les tribus primitives aient été repoussées et il allait devoir mettre la main à la pâte. Toutefois, avec la vingtaine de pirates frais dont il disposait, tout laissait penser qu'il vaincrait aisément notre petite troupe de rescapés épuisés. Yourk Gros-foie se tenait non loin de lui.
Volupsia glissa quelques mots à son adjointe et celle-ci disparut bientôt dans le pont inférieur, accompagnée par deux collègues.
 
" Cette chère Volupsia, entama le capitaine pirate sur un ton fielleux. C'est gentil d'avoir aussi bien défendu mon navire et repoussé la racaille locale. Je n'aurai pas besoin de leur verser le complément de récompense.
- Va te faire voir, Langue-Jaune, répliqua celle-ci. Tu es toujours aussi lâche et tu te caches toujours derrière les autres. Que des pirates acceptent de te suivre dépasse l'entendement. Je suppose que ton critère principal de recrutement est l'absence d'intelligence, non ?
- Tu péroreras moins, ma belle, quand tu seras attachée dans ma cabine et que tu me regarderas compter le trésor que vous m'avez gentiment apporté.
- Tu devrais grandir un peu et arrêter de rêver. Tes habits de capitaine sont trop grands pour toi mon pauvre T'silver ! persifla Volupsia.
- Fort bien ! Voyons ce que tu penses de cela".
Il attira alors à lui une t'skrang qui était cachée derrière une rangée de tonneaux. Celle-ci était enchaînée et fort peu satisfaite de sa situation.
" Betina ! Ma sœur !"
Le cri de surprise avait jailli de T'saslinka. Elle contemplait, incrédule, la silhouette que Langue-jaune maintenait contre lui. Son poignard jouant sur ses rondeurs et il arborait un sourire à la fois victorieux et égrillard.
" Vil salopard ! Viens donc m'affronter Langue-Jaune le Lâche ! reprit Volupsia.
- Certainement pas ! Tu ne t'en sortiras pas avec un duel de capitaine. J'ai l'avantage du nombre et j'entends bien le conserver. Je n'ai pas besoin de prouver que je battrais à plate-couture.
- À ta guise. Réduisons donc cet avantage, déclara la t'skrang. Feu !"
 
À son signal, un canon du Haut-landais violent tonna et la mitraille cribla le pont de l'Insoumise, fauchant le premier rang des pirates et blessant un certain nombre de ceux qui étaient derrière. Incrédule, Langue-Jaune contempla ses hommes à terre. Il avait sous-estimé la détermination de Volupsia et n'avait pas envisagé qu'elle ferait feu sur son propre navire.
La capitaine t'skrang leva son sabre et harangua une fois encore ses troupes :
"À l'abordage !
Bien que blessées et épuisées, les filles de Volupsia avaient retrouvé le moral et s'élancèrent. Le combat s'annonçait plus équilibré. Thregaz et Ghorghor furent dans les premiers à aborder le pont de l'Insoumise et une nouvelle mêlée fit bientôt rage.
Je suivis le mouvement. Plutôt que d'attaquer seul, je tentai d'aider une alliée ici ou là. Toutefois, même cette approche minimaliste fut d'une inutilité parfaite. J'avais toujours un temps de retard et le combat était terminé lorsque j'y entrai enfin. Je vis même périr une des t'skrangs de Volupsia alors que je me portais à son secours. Trop tard. Toujours trop tard.
 
Déstabilisées par la manœuvre de Volupsia, les troupes de Langue-Jaune ne purent stopper l'assaut. De plus, la présence d'un troll déchaîné, d'un nain teigneux et d'une adepte shaman apportèrent un surplus d'efficacité brute qui fit une nouvelle fois la différence. Le capitaine pirate ne dût sa survie qu'à la fuite et il emmena la sœur de T'saslinka avec lui, à la consternation de cette dernière. La jeune t'skrang voulut poursuivre Langue-Jaune mais Volupsia la retint : elle n'était pas de taille à affronter le rusée capitaine pirate.
Par ailleurs, Betina échappa rapidement à la poigne du capitaine pirate, gêné par ses vêtements, et revint vers les navires où elle fut rapidement secourue et réconfortée par sa sœur.
 

Voyant la fuite de leur chef, les derniers t'krangs pirates se rendirent, donc Yourk Gros-Foie. Nous étions victorieux une fois de plus. Enfin… quand je dis "nous", je suis plutôt bienveillant sur mon rôle dans cette affaire. Je croisais d'ailleurs quelques regards des t'skrangs et ceux-ci étaient emplis de mépris. Tout le monde pensait que j'avais eu peur dans ce combat et que je m'étais planqué à l'arrière. Ce n'est pas ici que j'allais récolter une étiquette de héros.
Mais ce qui me fit le plus mal fut la brève conversation entre Thregaz et Volupsia que je perçus :
" Il n'a pas l'air d'aller bien votre éclaireur. Il est toujours comme ça quand il faut se battre ?
- Oh, faut pas s'inquiéter ! Il a ses périodes dépressives de temps à autre. C'est normal, répondit le troll d'un air détaché."
 
De la part de Thregaz, un ami et un frère d'arme, cette remarque me blessa. Certes, j'ai rarement été téméraire dans les combats et mon efficacité n'a jamais été comparable à la sienne, mais j'ai toujours essayé d'être utile, occupant plus souvent l'adversaire que le tuant. Je pense avoir sauvé la mise plus d'une fois au groupe par ma ruse ou par ma vigilance, et j'ai certainement sauvé la vie à la plupart, même en combat, y compris au troll. Certainement pas autant de fois qu'eux ont sauvé la mienne, mais à chacun son rôle. Bref, rien qui ne justifie une telle désinvolture sur mon utilité. Si je devais me battre de la même manière que Thregaz, Ghorghor ou Gothzul, il y a bien longtemps que je serais mort et enterré. Bon, peut-être pas enterré, mais mort sans aucun doute.
 
Alors que je m'apprêtais à répliquer par une remarque acerbe et à expliquer que j'étais empoisonné, une ombre recouvrit la scène et une voix puissante retentit :
"Au nom de l'Empire Théran, baissez vos armes. Vous êtes sur le territoire des forces théranes et les combats sont interdits. Un détachement va vous aborder pour contrôler vos activités. Ne résistez pas où nous ferons feu".
Nous étions dominés par un navire volant théran et la gueule de ses canons pointaient vers nous. Des thérans maintenant, il ne manquait plus que cela ! À voir l'état de fatigue et la consternation des personnes présentes, la résistance semblait mal avisée.
 
Quelques regards de connivence et chuchotements nous permirent de nous mettre d'accord sur la stratégie à adopter : feindre l'obéissance et les laisser venir. Il sera temps de résister lorsque leurs canons seront inutilisables dans une mêlée.
Seule Miraëlan semblait heureuse de cette arrivée thérane et s'étonnait de voir nos discrets préparatifs.
"Hé ! Ce sont des thérans ! Ils ne vont pas nous attaquer. Ils font maintenir l'ordre, c'est tout. Vous n'allez pas les attaquer ?
- Mais quelle conne !"
L'expression avait fusé. Elle était plutôt étonnante dans ma bouche mais reflétait bien mon état d'esprit à son encontre. Pourtant intelligente et vive d'esprit, la princesse Miraëlan n'avait toujours pas compris que nous étions en guerre contre les thérans et que l'esclavage n'avait pas cours chez nous.
Le visage de Faliniaë se tourna vers moi, la première fois depuis le début des combats, et prit un air chagriné.  
 
Pendant ce temps, le navire débarqua une vingtaine de guerriers sur le pont du Haut-landais violent, quasiment inoccupé. Son pont plus large était mieux adapté pour une telle opération et ils nous dominaient dès leur arrivée, par leur nombre et leur position.
Certains d'entre nous aperçurent le chasseur Rancar à bord. Pour ma part, j'espérais secrètement que la jolie barde avait pu s'en sortir également.
 
Afiriz tissa une fois encore sort sortilège de brouillard de peur et l'invoqua au milieu des troupes adverses, alors qu'elles étaient encore en formation défensive sur le pont. Ce dernier eut un effet dévastateur, une fois encore. Les thérans sautèrent à l'eau avec des cris d'horreur.
Volupsia lança alors une série d'ordres et tous s'agitèrent : c'était le bon moment pour se barrer d'ici. Un petit groupe resta sur l'Insoumise, sous les ordres de Kat'sika, et mit rapidement le petit navire dans le sens du courant. Volupsia, le gros de ses troupes et les aventuriers regagnèrent le Haut-landais et le lancèrent de toute la force de ses voiles.
Une bordée de boulets thérans s'écrasa dans la rivière sans dommages. Ces derniers devaient s'occuper de leurs hommes qui barbotaient au milieu de la rivière de Servos avant que le poids de leurs armures ne les entraîne au fond.
 
Bientôt, les méandres de la rivière nous entraînèrent sous les frondaisons de la jungle et nous dérobèrent à la vue du navire théran.  
Presque tout le monde était blessé et nous avions quelques morts. Mais nous avions vaincus les t'skrangs de la jungle et ceux de Langue-Jaune T'silver. Nous avions semé les thérans. Le trésor de Verte-Crête était à nous, moins la petite partie restée sur la dernière barque, ainsi que le Haut-landais violent. Et les effets du poison s'étaient progressivement dissipés, sans séquelles ni possibilité de justifier mon inaction.
 
L'affaire fut chaude mais nous étions victorieux et tous avaient à cœur de revenir rapidement au Lac Ban pour fêter cela dignement.
Tous sauf moi. Une fois encore.
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Chapitre 47 - Multiples abordages
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