Une assiette de bois contenant l’infecte bouillie habituelle dans la main, je contemplai le mur de ma cellule sans le voir. Bon sang ! Les choses ne pouvaient pas finir ainsi !
Après ma tentative d’évasion ratée sur le pont du Haut-Landais violent, j’avais repris connaissance dans la cale du navire pirate que j’avais quitté peu de temps auparavant. J’y étais désormais seul : Ghorghor et Pelanas semblaient avoir réussi à s’échapper, malgré tout, et Kat’sika était morte.
Autant j’étais content pour mon ami le nain et pour l’élémentaliste elfe, autant je n’allai pas pleurer pour cette foutue t’skrang ! Si j’étais encore si ce navire, c’était bien par sa faute. Si elle n’avait pas foncé comme une dératée pour tenter de reprendre son navire, nous aurions au moins pu nous délivrer de la chaîne qui nous unissait et les choses auraient ensuite été plus faciles.
Langue-Jaune T’silver vint me voir peu après mon réveil. Visiblement, un de ses hommes s’était occupé de mes blessures et j’étais couvert de bandages.
« Alors, petit humain, tu es de nouveau parmi nous ? se moqua le pirate t’skrang. Votre coup de force a bien failli réussir, mais – une fois de plus – je m’en suis sorti et c’est toujours moi qui suis du bon côté des barreaux.
- Ricanes tant que tu veux ! Nous n’avons pas fait tout cela pour rien. Mes amis ont pu s’échapper !
- Tu veux parler du nain ailé qui s’est piteusement enfui avec le cadavre de l’elfe ? Douze morts de votre côté pour qu’un seul se sauve ?! Tu es encore plus fou que je ne pensais si tu penses que vous avez gagné quelque chose dans l’affaire. J’avoue que ça me gêne un peu que Kat’sika soit morte dans l’affaire. J’avais encore tellement de tortures à lui infliger. Ah ah ah !
- Au moins, quelqu’un s’est échappé et il pourra revenir avec des renforts pour libérer les autres, lançai-je avec hargne, sans trop y croire.
- Ton pote nain, je m’en cogne. C’est ta petite tête qui vaut du pognon pour les thérans. Par toutes les Horreurs, je me demande bien ce que tu peux savoir pour qu’ils veuillent autant te récupérer, parce que pour le reste, tu ne vaux pas tripette ! Et, à ta place, je ne me ferai pas trop d’illusions sur les secours. Là où je t’emmène, cela m’étonnerai beaucoup qu’ils viennent te chercher. Ah ah ah ! »
Il repartit, me laissant à mes idées noires.
Étant limité dans mes déplacements et réduit à mes seuls moyens, je me résignai à attendre la suite. Seul, blessé et enchaîné comme je l’étais, toute idée d’évasion était illusoire. Je décidai de mettre ce temps de repos à profit en développant le talent de Volonté de fer et la compétence de Sang-froid que j’avais récemment appris auprès de Ghorghor. Il avait fort à parier qu’une copieuse séance de torture était au bout du voyage, et j’entendais bien leur donner un peu de fil à retordre.
Après une semaine de voyage, le navire mouilla et je fus extrait de ma cellule par un groupe de pirates et de soldats thérans. Dire que j’étais surveillé était une litote. Les termes scruté, ou couvé auraient mieux convenu.
Une fois à l’air libre, je me rendis compte que le Haut-landais violent était amarré au quai de la communauté qui s’était constitué autour de la Pierre d’Ayodhya. Le lieu de pèlerinage était désormais une base avancée de l’Empire théran en Barsaive. Le navire béhémoth était posé au sommet et recouvrait une partie de la Pierre, comme un défi arrogant à tous les peuples libres.
Langue-Jaune T’silver se fit remettre un lourd coffret rempli d’or et de pierres précieuses. Il m’adressa un clin d’œil goguenard.
« C’était un plaisir de te ramener jusqu’ici, gamin ! Finalement, tu m’auras remboursé une partie du trésor de Verte-Crête. Considérant où tu vas désormais, je doute de te revoir un jour. Mes salutations aux bourreaux ! » conclut-il en s’esclaffant.
Mon escorte me mena à l’intérieur du navire théran. Je ne pus m’empêcher de frémir en passant les portes massives. Tout ceci ressemblait de plus en plus à la fin du voyage. Je comprenais les paroles du capitaine pirate : jamais mes amis ne pourraient me tirer de là.
On me fit monter plusieurs ponts afin de parvenir l’étage des cellules. Celle dans laquelle on me jeta fut presque luxueuse après la cale de T’silver. Un vrai lit avec des draps presque propres, c’était assez inattendu.
Les responsables qui devaient m’interroger avaient sans doute d’autres chats à fouetter (ou d’autres détenus) puisque rien ne passa pendant plusieurs jours. Seule la distribution de ma maigre pitance rythmait la monotonie de mes journées. Une fois encore, je mis ces journées à profit pour continuer à renforcer mes talents. Autant être le plus affûté possible si d’aventure une opportunité se présentait. Fuir, je n’y comptais pas vraiment, mais peut-être pourrais-je m’emparer d’une arme et les obliger à me tuer plutôt que de souffrir mille morts sur un chevalet et balancer tout ce que je savais.
Tout bien considéré, il y avait bien longtemps que je n’avais pas eu autant de temps à moi. Nulle part où courir, nulle quête à mener ou innocent à secourir. J’aurais pourtant donné beaucoup pour retrouver mon activité frénétique de ces derniers mois.
Pour le reste, les conditions de vie étaient difficiles mais supportables. Les repas étaient réguliers et moins mauvais qu’à bord du Haut-landais violent. Ils avaient certainement des ordres pour me maintenir dans un état acceptable.
Mon attente pris fin au milieu du septième jour. Deux soldats lourdement armés vinrent me prendre en charge et m’emmenèrent, après m’avoir menotté. Notre petit groupe gravit plusieurs ponts et parvint dans un secteur plus confortable.
Cette petite ballade me fit le plus grand bien après ma semaine d’encellulement. Je pus même apercevoir, ici et là par des fenêtres, le bleu du ciel et sentir le vent sur ma peau. Elle me permit également, grâce à mes talents d’éclaireur, de m’orienter et de comprendre l’agencement du navire et des différents ponts. Ceux-ci étaient tous construits sur le même modèle. En connaître un, c’était tous les connaître, à quelques détails près.
On m’introduisit dans un bureau assez luxueux. Un humain, assis derrière un bureau massif, se leva à mon entrée et s’avança vers moi. Il était assez grand et plutôt athlétique. Il était vêtu d’une protection de cuir rigide ouvragé et portait une lourde cape. Une épée à son côté laissait suggérer un officier. Toutefois, le bâton magique appuyé contre le mur côté et l’agencement de la pièce indiquait plutôt un tisseur de filaments.
Mais ce qui retenait l’attention était son visage, régulier et dur, mais surtout son regard. Ses yeux ne laissaient voir aucune pupille et émettaient une légère lueur jaune des plus déconcertantes.
Mes anges gardiens étaient deux pas derrière moi.
« Vous êtes le dénommé Valérian. Est-ce bien cela ?
La question semblait de pure forme et il ne semblait pas avoir de doute sur la personne qui se tenait devant lui.
- En effet, répondis-je d’un ton neutre.
- Je suis le Gardien du Ciel Hefera. Si vous collaborez, vos conditions de détention pourraient rapidement s’améliorer et nous gagnerons tous un temps précieux.
- Collaborer à quel sujet ?
- Je vais aller droit au but : nous cherchons le village d’Hanto. Vos excellentes chroniques sont malheureusement assez floues sur la localisation de cet endroit. Si vous vouliez bien nous aider à le trouver, nous vous en serions reconnaissants.
- Je ne vois vraiment pas pourquoi je vous aiderais. Je sais très bien ce que vous cherchez à Hanto et je n’ai pas l’intention de vous livrer cette jeune fille.
- Ce serait pourtant l’occasion pour vous de sauver des vies. Nous avons déjà brûlé et rasé plusieurs villages pour trouver celui de Hanto, mais en vain. Il ne tient qu’à vous que nous arrêtions cela.
- Je ne pense pas. Vous n’avez pas besoin de l’excuse de Hanto pour rayer des villages de la carte. Vous le ferez simplement pour moissonner des esclaves et terroriser vos opposants. Je ne sauverai personne et je vous aiderai juste à atteindre votre objectif.
- Vous savez que si vous faites la forte tête, ce seront mes bourreaux qui poursuivront cette conversation avec vous. Et ils sont nettement moins polis que moi.
- Je n’en doute pas et c’est exactement ce à quoi ce m’attends depuis que j’ai mis les pieds ici.
- Dans ces conditions, je ne voudrais surtout pas vous décevoir. À très bientôt. »
Il eut un geste de la main et mes gardes me ramenèrent dans ma cellule.
Le lendemain, une autre paire de soldats vint me chercher pour me livrer à un ork massif et qui avait autant d’humanité dans le regard qu’un basilic. Il avait à sa disposition toute la panoplie du parfait petit bourreau : chevalet de différentes tailles, râtelier complet de tenailles, lames de toutes formes imaginables, collection de potion aux effets variés mais toujours désagréables, ainsi que l’indispensable braséro. Le tout était méticuleusement entretenu. J’avais visiblement affaire à quelqu’un qui aimait son métier. Les vocations, ça ne se discutent pas.
La séance fut désagréable. Très désagréable même. On a beau s’y préparer, se blinder et se raccrocher à tout et n’importe quoi, mais il y arrive un moment où il faut lâcher quelque chose et ce moment vint un peu trop vite à mon goût. Mes sens étaient saturés par une douleur insupportable et je criai quelque chose au sujet de Charboyya, sans trop me souvenir exactement quoi car je m’évanouis peu après.
Je me réveillai dans ma cellule, le corps douloureux. Mes quelques connaissances médicales me permirent de soulager quelques plaies, mais sans aucun matériel approprié c’était un peu cautère sur jambe de bois. La nuit fut peu reposante car mes blessures me faisaient souffrir et j’appréhendai le jour suivant et son cortège de nouvelles tortures. Avant le jour suivant et ainsi de suite.
J’avais parfaitement conscience d’être un mort en sursis. J’avais échoué dans ma quête d’Andelin et j’adressai une ferveur prière d’excuse à Astendar. La dernière chose d’utile que je pouvais encore faire avant de mourir était de ne pas trahir la position de la jeune Aardéla. Vu le mal que les thérans se donnaient pour le trouver, elle devait être sacrément importante pour eu et j’espérai bien les frustrer en mourant avant de leur lâcher l’information. Et si toutes les séances de torture ressemblaient à celle d’aujourd’hui, mon trépas arriverait bientôt.
À cette idée, je ne pus m’empêcher mes yeux de devenir humides. J’avais encore tellement de choses à faire et des projets. Du fait de leur position sociale et de leurs talents, Miraëlan et Eliora n’avaient pas besoin de moi et m’oublieraient bien vite. Bizarrement, j’eus un pincement au cœur en pensant à Garel et Carelia. Je ne verrai jamais grandir mon fils.
Le sommeil finit par venir mais il fut peuplé de cauchemars et l’aube me trouva en guère meilleur état que la veille.
La seconde séance fut assez proche de la première, à ceci près que mon tortionnaire se montra moins pressé et la montée en douleur fut plus progressive. Il n’avait apparemment guère apprécié que je tourne de l’œil prématurément la veille. Il semblait m’en vouloir de ne pas résister suffisamment afin de le laisser exercer son art comme il le souhaitait.
Autre changement : à l’arrière se tenait un humain au maintien noble qui n’était pas là la veille. Il observait attentivement mais ne parla pas. Il était sans doute là pour rapporter à Hefera mes réponses aux questions si gentiment posées.
Une nouvelle fois, je me raccrochai à l’image d’Astendar et à l’idée que ma résistance protégeait la jeune Aardéla. J’évoquai tous ceux qui comptaient pour moi et tous les moments de ma courte – mais trépidante – existence.
Mon nouveau spectateur en fut pour son compte car, malgré les précautions du bourreau, je tournai de l’œil assez vite. Ses opérations avaient été menées avec, certes, plus de précaution, mais mon état était bien pire que celui de la veille et mon corps lâcha sans prévenir.
J’étais toujours dans la salle de torture lorsque je repris lentement connaissance. Mon visage était humide et le noble était penché vers moi. Son regard me scrutait, comme s’il cherchait à comprendre ma manière de penser.
« Je m’appelle Jendale. Je suis là pour superviser votre interrogatoire. Vous n’êtes guère coopératif, et vous ne semblez guère plus soucieux de votre sort. Je constate que ce n’est pas du courage qui vous fait tenir, mais du désespoir. Vous pensez avoir une médaille en vous sacrifiant ?
- Non… juste… arrh ! …. juste essayer de sauver une gamine de vos sales pattes, parvins-je à articuler douloureusement.
- Je vois. J’ai lu pas mal de choses sur vous et votre groupe. Les Lions de Pierre, c’est cela ? Je trouve que le destin vous met souvent sur notre chemin et que vous contrariez régulièrement nos visées. Mais je pense que vous avez un peu trop abusé de votre chance.
- Je ne vous… contredirai pas sur ce point, répondis-je péniblement.
- Et vous faites même de l’humour sur votre propre situation ? Je pense qu’il est temps de changer de méthode. Vous pensez que vous n’avez rien à perdre ? Que diriez-vous si j’envoyais une escouade dans le village de Tevelan pour piller et violer un peu ? Cela vous plairait de voir votre famille travailler dans nos mines et servir de filles de joie à nos soldats ? »
Le coup était rude mais je m’y étais préparé et je n’en attendais pas moins d’eux. Que je parle ou non ne protégerait pas ma famille et je n’étais pas certain qu’ils soient actuellement capables de projeter leurs forces aussi loin. La cité d’Urupa était assez proche et elle disposait de forces non négligeables, même pour des forces théranes.
« Tiens ? Aucune remarque sarcastique cette fois ? Vous aurais-je donné matière à réflexion ? Eh bien, vous aurez toute la nuit pour penser à cela et imaginer un détachement théran dans votre village avec instructions de faire ce qu’ils souhaitent. »
La séance de torture du jour ayant été moins longue et moins dure que la précédente, mon repos nocturne me fut un peu plus profitable. Néanmoins, je savais que je n’avais rien de bien réjouissant à attendre des jours à venir et que les choses iraient de mal en pis. Il me fallait un plan d’action pendant que j’étais encore en état de l’accomplir.
La matinée suivante, mes gardes habituels vinrent me chercher. Cependant, notre petit groupe ne se rendit pas à la salle de torture habituelle mais retourna dans le bureau d’Hefera. Le dénommé Jendale était présent également et tous deux semblaient bien déterminés à me faire craquer. Je sentais que j’allais passer un sale moment.
« Ah ! Voilà notre prisonnier récalcitrant ! déclara le Gardien du Ciel en m’apercevant. Je trouve votre résistance obstinée assez désappointante. Notre bourreau vous charcute comme un gigot avant de le passer au four, nous menaçons votre chère famille, mais rien n’y fait. Que faut-il donc pour que vous parliez ? Faut-il vous payer ?
- Rien de ce que vous pourriez me promettre ne suffira car je n’ai aucune confiance en la parole d’un théran. Ma résistance et mon silence sont sans doute les seules choses qui me maintiennent en vie, aussi douloureuse soit-elle.
- Vous jouez les opposants forcenés mais vous êtes nettement moins regardant avec les jolies théranes », me balança-t-il sur un ton goguenard.
J’eus un moment d’hésitation. Ces éléments-là n’étaient pas dans mes chroniques. D’où sortaient-ils ces informations ? Sans doute des rapports des elfes des Chasseurs de Sang, l’ancien groupe d’Eliora. Ils n’avaient pas manqué de me voir flirter avec la jolie illusionniste et sa disparition en même temps que notre groupe à l’auberge des trois plumes ne pouvait pas être une coïncidence. Peut-être que Kalourin avait également étayé ces soupçons.
« J’avoue que le fait qu’elle soit thérane n’est pas ce qui m’a sauté immédiatement aux yeux.
- Je trouve que votre haine des thérans est assez partiale.
- Si vous pensez cela, pourquoi n’est-ce pas une jolie thérane qui m’interroge ? répondis-je avec pertinence.
- Vous seriez-vous confié pour autant ? demanda-t-il avec curiosité.
- Je crains que, cela, vous ne le sachiez jamais.
- En effet, tout ceci n’est que pure rhétorique. Nous allons passer désormais à un autre type d’interrogatoire, déclara-t-il en me regardant avec une impatience que j’estimai de mauvais augure. Puisque votre corps supporte assez mal la torture, je vais m’attaquer cette fois à votre trame.
- Ma trame ?
- Oui. C’est fou tout ce que l’on peut apprendre en examinant la trame d’une personne. En agissant sur elle, on peut même la brouiller et agir directement sur son propriétaire. Un adepte pourrait ainsi éprouver quelques difficultés à accéder à ses talents, voire en être définitivement privé. Toujours décidé à vous taire ?
- Vous en doutez ?
- Pas vraiment mais je demandais à tout hasard. Bien, procédons… »
Le théran évoqua la vision astrale et contempla ma trame. Son expression était concentrée mais il haussa bientôt les sourcils d’étonnement.
« Eh bien ! Votre trame… est vraiment des plus étonnantes. La plupart des donneurs-de-noms ont un schéma simple et homogène, un peu plus compliqué pour les adeptes. Vous, c’est… une espèce de mosaïque. Comme un thème central avec différentes pièces rapportées qui s’y amalgament plus ou moins bien. »
Miraëlan avait déjà évoqué la complexité de ma trame astrale avec moi. Ma trame actuelle de Valérian était parasitée par celle d’Aloysius et influencée par des éléments du prince Kervala ainsi que par le théran Nur-Athémon. Le fait que j’étais questeur d’Astendar devait également se retrouver quelque part. Et peut-être qu’il y avait aussi un peu de Miraëlan au milieu de ce foutoir.
Mais cela ne découragea pas Hefera, bien au contraire. Il semblait se délecter encore plus de sa tâche, comme si ce qui devait être une tâche ennuyeuse se révélait plus intéressant que prévu. Il bougeait les mains autour de moi, comme s’il pinçait, tirait ou cassait des fils invisibles. De mon côté, je sentais des fourmillements désagréables en moi. Pas vraiment dans mon corps, mais plus dans mon être. J’éprouvais aussi une migraine croissante.
« Vous m’amusez, petit barsaivien. Vous luttez pour protéger votre illusoire liberté contre les thérans, mais vous n’hésitez pas à servir les dragons et leurs intérêts alors que ceux-ci vous méprisent.
- Ce ne sont pas les dragons que je défends et je n’ai rien à voir avec eux.
- Vraiment ? lança-t-il avec un étonnement forcé. Alors pourquoi je trouve leur magie dans votre trame ? Vous avez un enchantement qui affecte votre apparence.
- Que voulez-vous, je soigne ma tenue. Nous avons tous nos petits défauts.
- Parfait, cela ne vous gênera donc pas si je vous débarrasse d’un défaut. Un petit tiraillement là, je coupe ce fil ici. Et voilà ! Disparu l’enchantement ! »
Je grinçai des dents intérieurement car je tenais à cet enchantement. Mais c’était assez pusillanime de ma part car je risquais d’y laisser d’autres plumes, voire toute ma carcasse.
Le théran poursuivit son petit jeu pendant deux bonnes heures. Parfois, cela fut douloureux mais ce fut toujours désagréable. Cette intrusion dans ma trame n’était rien d’autre qu’un viol. Ni physique, ni réellement mental, plus diffus mais il englobait chaque parcelle de mon être.
Je savais que ma trame n’en était pas ressortie intacte et que les séquelles seraient durables. J’étais changé, et certainement pas en bien. Je me sentais faible, nauséeux, et j’avais du mal à me concentrer.
Je percevais, néanmoins, la conversation entre Hefera et Jendale.
« Alors, vous avez appris quelque chose d’intéressant ? demanda le noble.
- Oui et non. Certaines choses intéressantes mais rien de primordial et rien sur Hanto. Cette fichue trame est nettement plus résistante que ce à quoi je m’attendais.
- D’habitude, vos sujets livrent rapidement leurs petits secrets, insista Jendale.
- Certes, mais cette trame est des plus déconcertantes. Elle ne devrait même pas exister. Ce type devrait être fou. Et pourtant, il y a quelques points de liaison qui soutiennent l’ensemble et que je n’arrive pas à détruire. Quelque chose protège ce type et je n’arrive pas à savoir quoi. Mais c’est un intéressant défi que je relève. Je vais réfléchir à tout ceci et je serai mieux préparé demain, conclut le Gardien du Ciel.
- Parfait. Gardes, ramenez le prisonnier à sa cellule. »