Lions de Metal
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 Chapitre 71 - L'Oeil de Throal

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Valérian
Éclaireur humain et questeur d'Astendar
Valérian


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Chapitre 71 - L'Oeil de Throal Empty
MessageSujet: Chapitre 71 - L'Oeil de Throal   Chapitre 71 - L'Oeil de Throal Icon_minitimeVen 14 Jan - 20:07

Un texte encore très personnel qui permet de faire le point sur les relations entre Valérian et Maloniel et d'affiner l'évolution de la personnalité de l'éclaireur. Pour le moment, c'est un texte provisoire, pas encore validé par le MJ.


Chapitre 80 - L’œil de Throal

Insensible aux prémices de guerre qui grondaient dans le sud, la cité commerçante de Grand-foire bruissait de son activité habituelle. Sans doute que l’incursion thérane était à ranger ici au rayon "informations importantes et potentiellement monnayables". Les espions thérans qui grouillaient en ville devaient être sur le qui-vive et avaient le regard rivé sur les énormes portes de Throal.
Ce furent justement ces portes que nous franchîmes rapidement, après des formalités de contrôle grandement facilitées par Maloniel et son appartenance aux forces d’exploration. Il nous fallut ensuite pas moins d’une journée entière pour nous rendre au cœur-même du royaume de Throal, le quartier qui abritait le palais, le quartier-général et la Grande Bibliothèque. Là, Pelenas se rendit directement chez Dame Belisiel de Hautevoix qu’elle connaissait bien et un rendez-vous fut rapidement pris.
Dès le lendemain, nous étions attendus pour une réunion avec la diplomate naine et un certain Omasu, un obsidien agent de l’Oeil de Throal, l’organisation chargée des opérations secrètes du royaume. Une troisième personne était présente à cet entretien : quelqu’un que je connaissais sous le nom de Galahel. Tous trois semblaient impatients de nous voir. La naine bondit de son siège à notre entrée.
« Enfin vous voilà ! lança Belisiel en guise de préambule.
- Nous sommes ravis de vous revoir tous en bonne santé, renchérit Galahel. Surtout Valérian pour lequel nous avons craint le pire.
- Euh… je ne savais pas être aussi important pour vous, messire Galahel, m’étonnai-je.
- Et pourtant si, quoi que vous en pensiez. Et, tant que nous sommes entre nous, vous pouvez m’appeler par mon vrai nom : J’role. Et je suis l’Oeil de Throal. »
Mon menton menaça de tomber d’étonnement. J’role ?! C’était rien de moins qu’une véritable légende vivante ! Il était l’honorable voleur qui, avec Garlthik le Borgne, avait redécouvert Parlainth. Il était désormais à la tête des services secrets de Throal et un conseiller proche du roi. J’avais toujours soupçonné que ce type était beaucoup plus que ce qu’il paraissait, mais j’étais loin de me douter que c’était à ce point.
« Mais remettons tout cela à plus tard car nous avons hâte d’entendre votre rapport à tous. »
Il nous fit signe de nous asseoir et servit quelques rafraîchissements pendant que Ghorghor et Maloniel, parfois complétés par Pelenas, narraient leurs aventures. À l’instar des trois officiels de Throal, j’écoutais l’histoire de leur infiltration, puis celle de leur évasion. Maloniel m’en avais déjà narré les faits marquants, mais là c’était nettement plus détaillé. Je perçus à quel point leur mission avait été désespérée, ainsi que le fait que Throal s’était sans doute servi de leur motivation à me sauver afin de leur confier une autre mission, sans doute plus importante à leurs yeux.
Le passage du discours de Gendel étonna grandement nos hôtes et les laissa perplexes quelques instants.
« Cette proposition mérite qu’on y réfléchisse, remarqua J’role. Le simple fait de savoir qu’il y a deux factions chez les thérans est déjà une bonne nouvelle en soi.
- Certes, mais je ne me risquerais pas à penser qu’elles sont opposées, commentai-je d’un ton neutre.
- Comment cela ? questionna Belisiel.
- Les deux factions agissent pour la suprématie de Théra. C’est juste une différence de méthode. L’une prône la violence, l’autre la diplomatie, mais le but reste la reprise en main de Barsaive dans les deux cas, répondis-je.
- Je suis d’accord avec l’analyse, ajouta sobrement Omasu.
- Alors on ne s’en occupe pas ? s’étonna Ghorghor.
- Au contraire, il faut jouer cette carte à fond mais sans être dupe, rétorqua J’role.
- Tout à fait d’accord, ajoutai-je. Il faut négocier et voir ce qu’ils proposent tout en leur montrant que nous sommes pourtant prêt à nous battre pour faire monter les enchères et obtenir des garanties… et des informations au passage.
- Bon, je pense que ça, ça sera mon rôle, intervint Belisiel avec un regard noir à mon encontre destiné à me remettre à ma place.
- Chaque chose en son temps, tempéra le marchand obsidien. Autre chose : est-ce que vous pensez que Gendel est au courant de votre mission concernant la Pierre de Vie ?
- Je ne crois pas, répondit lentement Ghorghor après réflexion.
- Moi non plus, appuya Pelenas. Il n’a jamais abordé ce point. De notre côté, nous avons évoqué le fait que nous envisagions de faire dégager Le Triomphe et Gendel a répondu qu’il fallait considérer son emplacement comme définitif.
- Bon, nous allons considérer qu’il ne sait rien et c’est une bonne chose, reprit Omasu. Il faudra retrouver quelques-uns des prisonniers enfuis pour en savoir un peu plus sur le passage utilisé. Ça peut servir pour y retourner.
- Maintenant, j’aimerais entendre le récit de Valérian pour avoir une autre facette de cette aventure, s’impatienta l’Oeil de Throal. »
À mon tour, je leur fis le récit de mes aventures, depuis la tentative d’évasion sur le navire de Langue-Jaune T’silver jusqu’à l’évasion du Triomphe avec l’aide des Téméraires d’Urupa, en passant par les entretiens avec Hefera et les multiples tortures. En revanche, je passai sous silence tout ce qui concernait Aloysius et ma double personnalité. Cela n’apportait rien à ce qui nous préoccupait et je n’avais nullement l’envie de passer pour un taré comme dans la célèbre pièce du Docteur J’Hake Hill et de Miss Terhyde.
« Eh bien ! Et après tout cela, vous ne parvenez pas à voir en vous un héros ? s’étonna J’role.
- Un héros ?! Moi ? Non, pas vraiment… je n’ai fait que tenir le temps que les amis arrivent. Ma survie n’a toujours tenue qu’à mes compagnons d’armes. J’ai la chance d’être bien entouré.
- À d’autres ! Il faut un peu plus que de la chance pour accomplir tout ce que vous avez accompli, commenta l’honorable voleur. Et tenir plusieurs jours face à toutes ces tortures, c’est plus que méritant, c’est miraculeux !
- Sur ce dernier point, je partage tout à fait votre point de vue, commentai-je.
- Pour l’avoir côtoyé quelque temps, malgré certaines facettes énervantes de sa personnalité, il a effectivement de la chance et un savoir-faire indéniable pour survivre et pour retourner des adversaires dans notre camp. Surtout quand elles sont jolies, ajouta la diplomate naine. Je l’ai vu à l’œuvre avec une mercenaire thérane et avec un groupe d’elfes de sang.
Je sentis Maloniel se crisper un peu à mon côté, mais elle ne fit aucun commentaire.
- C’est bon à savoir si les thérans nous envoient un jour une jolie diplomate, commenta J’role avec un petit sourire.
- Vous allez me faire croire que vous découvrez tout à coup que je suis aussi questeur d’Astendar ? répondis-je avec un brin d’agacement.
- Ah oui ! C’est vrai qu’il est aussi ça… s’amusa Belisiel.
- Bien ! Quoi qu’il en soit, je vous informe que je vais faire un rapport sur tout cela au sommet de la hiérarchie de Throal, au Prince et peut-être même au Roi, repris le maître espion. Il est possible que vous soyez remerciés en haut lieu. D’ici là, nous allons vous trouver de quoi vous loger. Vous préférez une auberge ou un logement individuel ?
- J’ai de la famille à Throal, donc je vais loger chez eux, répondit Ghorghor.
- Pour ma part, j’ai joué au prisonnier un peu trop longtemps à mon goût et j’apprécierai un peu de compagnie. Donc une auberge correcte aurait ma préférence… si cela te convient également, complétai-je en me tournant vers Maloniel.
- Ne t’inquiète pas. J’ai eu assez de mal à te retrouver, alors je ne vais pas te lâcher de sitôt, répondit la jeune voleuse avec un large sourire.
- Hum… quant à moi, je vais leur laisser un peu d’intimité et me choisir une autre auberge, intervint Pelenas.
Visiblement, l’élémentaliste elfe n’avait nullement l’intention de tenir la chandelle et je la comprenais. Je repris la parole en me tournant vers les dignitaires barsaiviens.
- Je profite de l’occasion pour vous demander si vous pouviez me recommander auprès d’un magicien de haut niveau car je voudrais vérifier les dommages occasionnés à ma trame astrale par Hefera. Je n’aimerais pas découvrir que je n’ai plus accès à certains talents au mauvais moment.
- En effet, un petit examen à ce niveau me parait sage, répondit J’role. Je vais vous prendre un rendez-vous rapidement auprès d’Ajmar l’Admirable.
- Ajmar ?! Ce n’est pas un peu… trop ? s’étonna la diplomate naine.
- Je pense que nous devons veiller à ce que Valérian soit entre de bonnes mains, non ? Et une attaque de trame, ce n’est pas si courant. Donc ce sera Ajmar, rétorqua J’role.
- Heu… c’est qui cet Ajmar ? questionnai-je avec un soupçon d’inquiétude.
- Sans doute l’un des meilleurs magiciens de Barsaive. Je doute que vous ayez à vous plaindre de ses services, répondit l’honorable voleur. Cet ork n’est vraiment pas n’importe qui.
- Un ork ?!
- Oui. Ça vous pose un problème ? s’enquit l’Oeil de Throal avec une curiosité amusée.
- Eh bien… disons que j’ai une certaine appréhension à l’égard des orks, compte tenu que la majorité de ceux que j’ai rencontrés ont cherché à me trancher en deux.
- Ah, je vois ! Rassurez-vous, celui-ci est civilisé et il ne vous tranchera pas en deux. Si vraiment vous lui déplaisez, il se contentera de vous faire disparaître avec un sort approprié, ajouta J’role avec un petit sourire.
- Charmant… »

Le lendemain, j’étais à la guilde des magiciens de Throal, chez le dénommé Ajmar l’Admirable. Le bureau aurait pu paraître luxueux s’il n’était autant encombré de piles de livres, de potions, de bestioles empaillées de toutes sortes et d’objets étranges et exotiques. Le maître des lieux était effectivement un ork, aussi athlétique que ses confrères guerriers, mais nettement plus policé et posé dans sa gestuelle.
« Alors, c’est vous le dénommé Valérian, hum ? On m’a parlé de vous. En bien, je dois dire. Et on m’a demandé d’examiner votre architrame afin de vérifier si tout allait bien de ce côté. C’est bien cela ?
- Tout à fait, Maître Ajmar répondis-je poliment.
Il m’examina le temps d’un instant avec un œil critique et inquisiteur.
- Pourquoi êtes-vous aussi crispé ? Je ne vais pas vous manger.
- Je suis désolé, cela n’a absolument rien à voir avec vous, mais les orks me mettent mal à l’aise.
- Tiens donc ! Et pourquoi cela, je vous prie ?
- Un nombre non négligeable de vos congénères ont cherché à m’occire, au fil de mes aventures.
- Voyez-vous cela ! Vous en êtes sûr ? Mes congénères, comme vous dites, ne sont habituellement pas mauvais pour occire. Et pourtant vous êtes toujours là.
- J’ai des amis plutôt efficaces pour m’aider. Et je commence aussi à me débrouiller avec une arme.
- Bien, admettons. Mais je suis là pour vous aider, donc détendez-vous et tout ira bien. Vous pouvez rester debout ou vous asseoir, cela ne prendra que quelques minutes. »
Je décidai de rester debout. Ce serait plus facile pour esquiver ou fuir en cas de besoin.
Ajmar entama son examen et utilisa sa vision astrale pour avoir accès à ma trame. Après un concert de raclements de gorge et de « hum… » sur différents tons qui dura plusieurs minutes, il reprit la parole.
« Hum ! Finalement, je pense que vous devriez vous asseoir. Cela va être plus long que prévu. Vous possédez une architrame des plus… intrigantes. »
Deux bonnes heures plus tard, le magicien ork ressortit de sa vision astrale et se tourna vers moi.
« Je dois bien avouer que j’ai rarement vu une architrame aussi complexe que la vôtre. Le terme d’architrame a d’ailleurs rarement aussi bien porté son nom. Vous allez me confirmer si j’ai bien compris ce que j’ai lu : vous êtes un éclaireur humain du nom de Valérian, mais vous vous êtes bâti sur l’architrame d’un autre éclaireur humain du nom d’Aloysius.
- Exact.
- J’ai déjà vu des donneurs-de-noms ayant renoncé à leur ancienne identité pour en bâtir une nouvelle. Mais en ayant conservé la même discipline, vous avez entrelacé votre ancienne architrame plutôt que de la refaire, ce qui fait que votre ancienne identité existe toujours, même si c’est à un niveau inconscient. Je note, d’ailleurs une résurgence récente.
- Vous êtes vraiment très fort dans votre domaine. Nettement plus que le dernier magicien théran qui m’a torturé. Et j’en suis heureux.
- Merci. Il va falloir faire attention à votre ancienne personnalité, car elle reste potentiellement capable de revenir.
- Je ne le sais que trop. Et pour le reste ?
- Hum ! Votre architrame actuelle est influencée par un seigneur elfe. C’est latent, mais potentiellement puissant et cette arborescence tramique ne demande qu’à se développer. Comme une bouture avec beaucoup de bourgeons mais qui n’ont pas encore fleuris.
- Je vois…
- À un autre endroit, votre architrame est affectée par celle d’un sorcier théran. Celle-ci n’évoluera plus mais elle affectera durablement une partie de votre personnalité et, à mon avis, pas en bien. Là, ce serait plutôt comme une ronce noire enroulée autour de quelques filaments de votre architrame.
- D’accord. Autre chose ?
- Oh oui ! Vous avez aussi un enchantement draconique qui est désactivé. Quelque chose que je qualifierai de cosmétique, qui affectait votre apparence.
- Oui, c’était un sortilège qui soignait effectivement mon apparence et que le magicien théran a détruit.
- Non. Ce n’est pas détruit, c’est désactivé, nuance !
- Cela peut donc être refait ?
- Tout à fait, mais pas par moi car je n’ai aucunement accès à ce type de magie.
- Il me faut donc trouver un dragon, éviter de me faire manger, négocier pour lui rendre un service afin qu’il m’en rende un autre en échange. C’est cela ?
- Quelque chose du genre, en effet…
- D’accord. La routine en quelque sorte.
- Hum… vous êtes quelqu’un de bizarre, vous savez ?
- Oui, je sais… Au final, hormis sa complexité, vous ne voyez rien de particulier dans ma trame et rien ne serait endommagé.
- Au contraire : tout est particulier dans votre architrame ! Y compris le fait que tout ce foutoir tient debout essentiellement grâce à quelques points de liaison primordiaux qui sont directement connectés à votre trame de questeur d’Astendar. Si je voulais attaquer votre architrame, je m’en prendrai logiquement à ces points de liaison pour déconstruire le tout. Sauf qu’ils sont fort bien protégés. Votre foi de questeur est puissante, messire Valérian.
- Je pense plutôt que c’est la foi qu’à Astendar en moi qui est puissante, mais passons.
- Hum… en conclusion, je pense que votre trame est en aussi bonne état qu’elle peut l’être compte tenu de tout ce qu’il y a dedans.
- Merci, Maître Ajmar. Me voici rassuré grâce à vos bons services.
- Vous avez donc moins peur des orks désormais ?
- Un peu. Juste un petit peu moins… ».

Comparé à ce que j’avais connu ces derniers temps, les semaines suivantes se déroulèrent comme dans un rêve. Je consacrai ma première semaine à renouer sérieusement avec Maloniel parce que j’aimais vraiment cette fille et que nous avions tous deux besoin d’une parenthèse enchantée. Nous ne quittâmes guère la chambre lors des deux premiers jours, puis ce furent des ballades ici et là à la découverte de l’immense cité naine. Les cavernes étaient tellement vastes et le système d’éclairage et d’aération si bien conçus que nous n’avions pas réellement conscience d’être sous terre.
Par la suite, j’allai m’entraîner pour passer mon septième cercle d’éclaireur et développer mes talents et compétences. Maloniel, de son côté, se mit à la disposition des forces de Throal, mais pour des missions de courte durée, ce qui lui permettait de revenir régulièrement passer du temps à mes côtés.
Nous revoyions également Ghorghor et Pelenas pour partager un repas au moins une fois par semaine et échanger sur notre quotidien et nos projets. Eux aussi progressaient dans leur discipline respective. Ghorghor avait même décidé de se lancer dans la magie et d’étudier l’élémentalisme avec Pelenas.

Au sujet de nos projets, justement, nous avions été conviés à un autre entretien avec Belisiel et J’Role environ deux semaines après le premier.
« Nous avons une mission à vous proposer, lorsque vous aurez terminé votre passage de cercle, débuta l’honorable voleur.
- Il s’agira de m’accompagner, avec le baron Lemak, à Jerris afin de récupérer une commande de navires, poursuivit Belisiel. Jerris dispose de ce qui se fait de mieux en matière de chantiers aériens. Nous aurons besoin d’une petite équipe discrète et efficace, comme la vôtre, pour nous escorter lors de cette mission diplomatique. »
- C’est loin Jerris ? demanda Pelenas sur un ton neutre.
- Assez, mais la mission n’est pas particulièrement urgente, répondit la diplomate.
- Non, déclara l’élémentariste sans changer de ton.
- Pardon ? s’étonna Belisiel.
- Pour votre mission, c’est non, insista l’elfe. J’ai d’autres projets : nous devons retourner à Ayodhya et faire notre possible pour sauver la Roche-de-Vie. J’ai promis.
- Moi aussi, renchérit Ghorghor. Et nous devons aussi retrouver Langue-Jaune T’silver.
- Le pirate ? Mais pourquoi ? demanda la diplomate, de plus en plus abasourdi.
- Parce qu’il a notre matos et qu’on n’a pas l’intention de lui en faire cadeau, répondit l’armurier nain d’un ton mauvais.
- Et nous devons aussi retourner à Fort-Vräss pour voir comment va la communauté et y récupérer des informations importantes, ajoutai-je. »
Belisiel de Hautevoix s’était muée en Belisiel de Sansvoix face à notre refus collectif. J’role, de son côté, semblait s’amuser de la situation et se montra de plus conciliant.
« Très bien, je vous suggère d’aller déjà à Fort-Vräss pendant que j’essaie d’avoir des informations sur votre pirate. Pour ce qui est d’Ayodhya, j’ai déjà envoyé des gens pour retrouver quelques-uns des mineurs enfuis. Ils seront précieux pour avoir des informations sur l’emplacement du passage secret pour retourner discrètement à l’intérieur.
- C’est vrai que ce serait bien de savoir s’ils sont tous parvenus à s’enfuir, commenta Pelenas. J’aimerais bien retrouver la petite fille et savoir qu’elle va bien.
- Jen ? demanda Ghorghor.
- Oui, c’est ça, acquiesça l’élémentaliste elfe.
- C’était pas une petite fille, fit remarquer le nain. C’était une incarnation de Lochost.
- Quoi ?! s’exclama Maloniel de surprise.
- Comment tu sais ça ? demanda Pelenas sans masquer son étonnement.
- Je le sais, c’est tout », répondit laconiquement Ghorghor en haussant les épaules, laissant ses auditeurs perplexes.
Je n’étais pas intervenu, mais je n’avais rien perdu de l’échange. L’armurier nain n’étant ni un menteur, ni un vantard, il savait donc certainement de quoi il parlait. C’était intéressant de savoir que d’autres passions avançaient aussi leurs pions.
« Quoi qu’il en soit, reprit J’role, sur la route qui mène à Fort-Vräss, vous pourrez faire un petit détour pour rencontrer Aile-de-Givre. Celui-ci pourrait vous aider dans vos quêtes.
- Et il reçoit souvent des visiteurs votre dragon ? demandai-je avec scepticisme. Pourquoi est-ce qu’il ne va pas simplement nous bouffer dès que nous serons sur son territoire ?
- Tout simplement parce que je vais le prévenir de votre arrivée, répondit aimablement l’honorable voleur.
- Et il va nous aider, comme ça, sans rien demander en échange ? m’étonnai-je.
- Ah… je n’ai pas dit cela. Il vous écoutera et ce sera ensuite à vous de négocier avec lui. Il aura sans doute quelques menus services à vous demander, mais rien ne vous obligera à accepter.
- Mouais… j’ai appris par expérience que c’est souvent le début d’une cascade de missions qui risque de nous obliger à remettre à plus tard nos propres urgences, répondis-je avec un peu d’énervement.
- Attendez donc d’en parler avec lui avant de partir sur des hypothèses extrêmes. Encore une fois, vous pourrez refuser, tempéra J’role.
- C’est vrai que cela ne coûte pas grand-chose d’essayer, renchérit Ghorghor. On verra sur place. »
Je n’insistai pas, mais je n’en pensais pas moins.
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Valérian
Éclaireur humain et questeur d'Astendar
Valérian


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MessageSujet: Re: Chapitre 71 - L'Oeil de Throal   Chapitre 71 - L'Oeil de Throal Icon_minitimeVen 14 Jan - 20:08

« Qu’est-ce qui t’as permis de tenir quand les thérans te torturaient ? »
Nous étions assis sur la branche basse d’un noyer de belle taille, au milieu du parc le plus proche de notre auberge. Maloniel avait son épaule appuyée contre la mienne et nos jambes se balançaient dans le vide. Je sentais son regard curieux posé sur moi.
« Comme souvent dans les épreuves, je me concentre sur ce que j’aime dans ce monde, sur ce qui me fait avancer malgré mes doutes et mes peurs et sur ceux pour qui j’ai envie de me battre.
- Par exemple ?
- Mes compagnons d’armes, les filles que j’aime… et Astendar.
- Hmm… et elles sont nombreuses ces filles que tu aimes ?
- Ah, je vois… répondis-je avec un petit sourire. Très bien, j’ai dit que je ne te mentirai plus, je vais donc être parfaitement honnête avec toi, je te dois bien cela. Mais c’est à double tranchant et tu ne vas peut-être ne pas aimer certaines réponses.
- Je prends le risque, répondit la jeune femme sans me quitter des yeux. Alors, elles sont combien ?
- Une demi-douzaine, toi y compris, répondis-je après un rapide calcul.
- Seulement ? Je m’attendais à plus que cela !
- Je sais. Avec la réputation que l’on me fait régulièrement, tout le monde croit que j’ai une amante dans chaque ville.
- Et je suis placée où dans cette liste ? reprit-elle avec un faux air détaché. Je suis avant ou après Valériane ?
- Valériane ne figure pas dans ma liste. Valériane appartient à la courte liste d’Aloysius. Il la côtoyait au quotidien et elle était devenue une espèce d’idéal féminin fantasmé.
- Oh ? C’est tellement bizarre cette manière que tu as de parler de toi au passé. Je n’arrive pas à me faire à cette double personnalité.
- Sur bien des points nous sommes proches et sur d’autres… eh bien, je ne sais pas trop puisque lui n’a pas évolué.
- J’en connais qui sont dans ta liste ?
- Hm… je ne crois pas. Ou peut-être une de vue, hasardai-je.
- Qui ça ?
- Une elfe vendeuse de tissus dans la boutique d’un certain Charboyya, "l’Étoffe des héros", à Grand-Foire.
- Je connais la boutique, en effet, mais je ne me souviens pas d’elle. Tu l’as connue quand ?
- Quelques jours avant notre première rencontre. Je l’avais rencontrée dans la boutique puisque notre mission à Hanto nous avait été confiée par Charboyya. Elle m’a tout de suite tapé dans l’œil et je l’ai invité dans une auberge.
- Et elle a accepté d’emblée ?!
- Keleshane n’est pas du genre farouche… et pas du genre fidèle non plus. Elle choisit son partenaire d’un soir et ce dernier n’a rien à espérer de plus.
- Et tu étais entiché d’une telle personne ?
- Je ne le connaissais pas encore réellement à ce moment-là. Je n’avais passé qu’une seule soirée et qu’une seule nuit en sa compagnie et j’avais encore des étoiles plein les yeux quand je suis parti en mission. Cela explique aussi la distance que j’ai maintenu avec toi sur le chemin du retour car je ne savais pas où j’en étais avec elle. Quoi que tu en penses, je n’ai pas de penchant à mener deux aventures amoureuses en même temps.
- Ah… je comprends mieux ton attitude, effectivement. J’étais moi-même un peu timide. Je te sentais amical, mais pas prêt à aller au-delà. Et ensuite ?
- Ensuite, à mon retour, elle m’a mis les points sur les "i" et j’ai su à quoi m’en tenir. Et quand je suis revenu vers toi avec de meilleures dispositions, il y a eu la mission catastrophique avec le marchand d’épices, puis ta tentative de fuite.
- C’est vrai… j’étais tellement déçue du groupe et de ta distance que j’ai voulu partir. Mais ça c’est mal passé et après j’étais tellement honteuse que je n’ai pas pu revenir.
Elle avait désormais les yeux dans le vague, mais elle se reprit rapidement.
- Mais nous avons bien évolué depuis cette époque. Bon revenons à ta Kechelane !
- Keleshane !
- Si tu veux. Tu as passé une nuit sympa avec elle, ensuite elle te jette mais elle reste dans ton cœur après toutes ces années et tu penses à elle alors que tu es au comble du désespoir. Tu n’es vraiment pas du genre rancunier !
- Alors, oui, je ne suis pas du genre rancunier. Mais je l’ai revu à plusieurs occasions par la suite. Elle était parfois disponible, parfois non. Mais à chaque rencontre, j’ai passé un bon moment et j’ose croire qu’elle ne s’est pas ennuyée en ma compagnie et que je compte un peu pour elle.
- D’accord, tu as fréquenté à quelques reprises une femme aux mœurs légères qui t’a laissé de bons souvenirs. Ça ne va pas bien loin.
- Pourquoi ça devrait aller loin ? Je n’ai jamais cherché une femme pour la vie.
- Hm… j’espère qu’elle ne figure pas en tête de ta liste.
- En effet, mais je ne m’amuse pas à faire un classement car, en réalité, il y en a une qui compte toujours plus que les autres.
- Ah oui ! Laquelle ?
L’espoir et la méfiance se disputaient à part égale le ton de sa question vibrante.
- Celle avec laquelle je suis, répondis-je en captant son regard. Quand je suis avec une fille, je ne pense pas aux autres.
- Moi ?
- Aujourd’hui oui, mais qui sait pour demain ?
- Je vois… tu n’es pas vraiment plus fidèle que ta Keleshane.
- Sauf que pour elle, c’est un choix de vie. Résidant à Grand-foire, elle pourrait très bien choisir quelqu’un qui lui plait et s’établir. Mais elle préfère sa liberté.
- Et ce n’est pas pareil pour toi ?
- Pour ce qui est de la liberté, peut-être. Toutefois, je traverse Barsaive en tous sens et je n’ai ni la capacité ni l’envie de m’établir quelque part. Donc, je côtoie les personnes que je peux tant que je suis à un endroit donné ou les personnes qui m’accompagnent pour un temps donné.
- Comme ton elfe de Parlainth ?
- Exactement.
- Il n’empêche que tu m’as préféré une espèce de spectre, grogna-t-elle. Mais comment vous faisiez pour… heu… pour être ensemble ?
- Pour faire l’amour ? Eh bien, on ne faisait pas.
- Alors pourquoi m’avoir virée pour cet ectoplasme qui ne pouvait rien t’apporter ? Tu étais sûr de lui trouver un corps ?
- Certainement pas, c’était plutôt un espoir un peu fou. Je l’ai fait par amour et par reconnaissance, répondis-je après quelques secondes de réflexion.
- Mais cet amour ne t’apportait rien…
- Je ne parlais pas de mon amour pour elle, mais de celui que j’avais pour toi.
- Quoi ?! Tu m’as viré parce que tu m’aimais ?
- Exactement. Miraëlan était jalouse et possessive et je savais qu’elle était capable de s’en prendre à toi si elle te percevait comme une menace. Elle avait de grand projet pour nous et elle me voyait comme un héros et siégeant sur un trône à ses côtés.
- Qu’est-ce qu’elle aurait pu me faire ?
- Hum… sans doute s’emparer de ton corps et te contraindre à être une simple spectatrice.
- Elle avait ce pouvoir ? s’inquiéta Maloniel.
- Oh que oui ! Et bien d’autres !
- Mais pourquoi tu as récupéré cette tarée avec toi ? s’indigna ma compagne.
- En fait, je n’ai pas trop eu le choix. J’ai réussi à la libérer de sa malédiction et son esprit s’est lié à moi. Mais heureusement que je l’ai fait, sinon je ne serais sans doute pas ici pour te faire des confidences. Grâce à elle, nous avons pu détruire l’Horreur du kaer Argovesia et récupérer la Rose de cristal des elfes.
- D’où ta quête de corps en guise de reconnaissance ?
- En partie. Une part de moi l’aimait tout de même. Elle n’avait pas son pareil pour me remonter le moral et elle savait se montrer très persuasive, même sans corps. Mais une autre part de moi savait qu’elle attendait trop de moi et qu’il faudrait que je la quitte avant de la décevoir.
- Et c’est ce que tu as fait ?
- Même pas. Cela a été encore plus simple et rapide que cela. Une fois dotée d’un corps, elle a préféré rester à Parlainth et régner sur son secteur plutôt que m’accompagner dans ma quête interminable. Elle aurait préféré que je reste à ses côtés mais j’avais d’autres engagements.
- Beaucoup d’efforts pour pas grand-chose, commenta Maloniel.
- Oui et non. Je sais désormais que les choses ne doivent pas tant au hasard que cela et je pense que tout cela devait être fait.
- Je ne te savais pas fataliste, s’étonna-t-elle.
- Je ne le suis pas, mais je sais désormais qu’il y a certaines forces à l’œuvre autour de nous dont nous percevons rarement les actions, et encore moins les desseins.
- Et toi tu les perçois ?
- Pas vraiment, mais j’en sais un peu plus que le commun des mortels.
- Tu m’intrigues et tu me fais un peu peur. C’est étrange quand tu es si sérieux. Où est passé ton côté léger et insouciant ?
- Léger, je sais l’être, mais l’insouciant c’est mon ancien moi.
- N’empêche… je trouve que tu as bien changé depuis notre première rencontre. Bon, revenons au sujet, c’est plus léger justement. Parles-moi des autres.
- Il y a Luriel, une maîtresse d’armes elfe qui…
- Et allez ! Encore une elfe ! commenta avec humeur la jeune voleuse.
- Oui, j’ai un penchant pour les elfes – mais pas que – et j’assume. Luriel, disais-je, qui est officier à Brindol. Elle travaille pour le Baron Lemak.
- Elle est toujours à Brindol ?
- Oui. Nous avons eu quelques frictions et un léger flirt, mais ça s’est arrêté là.
- C’est tout ? Un léger flirt !?
- Oui. Il m’arrive de m’éprendre d’une fille sans que cela ne débouche sur du sérieux.
- Je vais de surprises en surprises…
- Ensuite, il y a Eliora…
- Une elfe ?
- Une elfe… exact !
- Décidément, ça vire à l’idée fixe…
- On en reparlera quand je t’aurai taillé les oreilles en pointe.
- Eh ! N’y pense même pas, espèce de bouffeur de salade !
- Dis donc, ce n’est pas parce que j’aime les elfes que je vais adopter leur régime. Et la plupart mangent occasionnellement de la viande. Ils la voient, toutefois, plus comme un complément alimentaire nécessaire que comme la base de leur alimentation.
- Et il va me faire un cours maintenant ! Tu mériterais une punition ! s’énerva-t-elle.
Mais je savais que ce n’était qu’une façade et qu’elle appréciait notre petit jeu et, surtout, mes confidences. Elle relança immédiatement la conversation, sa curiosité toujours pas rassasiée.
- Au fait, j’ai entendu Belisiel en parler lors de la première réunion. Tu as vraiment couché avec des elfes de sang ? reprit-elle sans masquer une curiosité amusée.
- Pas du tout, me défendis-je. Là encore, c’est très exagéré. J’ai réussi à convaincre une patrouille d’elfes que nous n’étions pas leurs ennemis. J’ai sans doute été un peu trop convaincant, car leur chef a commencé à flirter avec moi sur le chemin vers la capitale.
- Et alors ?
- Et alors, rien du tout. J’ai accepté le flirt, mais cela n’a pas été plus loin.
- La fille était trop piquante pour toi ? s’amusa-t-elle.
- Il y avait de ça, en effet. Mais c’était surtout que j’avais démarré une idylle plus sérieuse avec Eliora et que c’était elle que j’avais à l’esprit à ce moment-là.
- C’est dingue comme tu arrives à faire croire que tu es fidèle, alors que tu multiplie les relations. Je suis vraiment la seule humaine parmi les filles qui comptent pour toi ? s’étonna-t-elle.
- Pas tout à fait… il y a Carélia. Elle est un peu à part, répondis-je avec un soupçon d’hésitation
- Tiens donc ! Et pourquoi cela ?
- Parce qu’elle est la mère de mon fils…
- Hein ?! Tu as un enfant ?! Mais tu ne m’en avais jamais parlé !
- Et pourquoi l’aurais-je fait ? J’ai des doutes sur la pertinence de ce genre d’information pour se rapprocher d’une fille. Essaies de me soutenir que cela n’aurait pas éveillé ta jalousie ou, au moins, ta suspicion.
- Mais… heu… hm… en fait, oui ! reconnut-elle. Mais maintenant, il va falloir m’en dire plus. Comment il s’appelle ? Où sont-ils ?
- Doucement, ma belle ! Rien ne presse et je ne vais pas m’arrêter là.
- T’as pas intérêt, effectivement… gronda-t-elle.
- Carelia habitait au Bac de Drelyn, un petit village. Elle a dû évacuer vers Brindol, avec les autres habitants, face à l’attaque d’une horde de clans orks. Les Lions de Pierre ont eu un rôle décisif dans la fin de cette affaire sanglante. J’ai attiré son attention et elle a vu en moi un héros. Nous avons ensuite passé un certain temps ensemble.
- Encore une qui a été séduite par ton aura de héros. Je la comprends… commenta-t-elle à voix basse.
- Mais je ne suis pas un héros !
- Bien sûr que si ! Toutes les choses qu’ont fait les Lions de Pierre, tout ce que je t’ai moi-même vu accomplir.
- Bon sang ! On croirait entendre Miraëlan !
- Elle avait raison. Comment peux-tu penser autrement ? Thregaz, So’tek et les autres n’étaient plus là lors de tes dernières aventures, mais tu t’en es tout de même sorti, non ?
- Cette fois, j’ai l’impression d’entendre Astendar !
- Eh bien, elle a raison aussi … hein !? Attends un peu ! Tu as dit Astendar ?!
- Heu… j’ai dit Astendar ? Oups !
- Oui ! Depuis quand tu parles avec les Passions, toi ? demanda-t-elle avec un étonnement évident.
- Hum… je vais te répondre, mais je te demanderai de garder cela pour toi. Tu es la première à qui je vais en parler.
- Aucune de tes autres copines n’est au courant de cela ? s’étonna-t-elle.
- La plupart savent que je suis questeur d’Astendar, mais aucune ne sait réellement pourquoi.
- Très bien, je te crois. Mes oreilles sont grandes ouvertes mais la bouche rester scellée, déclara-t-elle avec émotion et de solennité.
- Bien… par où commencer ?
- Par le début peut-être… proposa ma compagne avec un petit sourire.
- Merci de ton aide, rétorquai-je avec ironie. Pour ce que j’en sais, les questeurs choisissent une Passion et vivent ensuite selon ses préceptes. Pour moi, ce fut différent : parce que j’avais déjà adopté une partie de ses préceptes, j’ai été choisi par Astendar.
- Tu te fiches de moi ?
- Pas le moins du monde. Elle s’est révélée à moi au moment où j’étais avec Carelia, mais cette dernière était inconsciente. Elle m’a laissé le luth elfique que j’ai toujours avec moi.
- Oh ! Je comprends enfin d’où vient ton attachement à cet objet. C’est sidérant comme truc ! Je vieux dire, je n’ai jamais entendu une autre personne me déclarer qu’il a vu l’un des Passions… enfin pas sans avoir ingurgité une dose massive d’alcool auparavant !
- Et neuf mois plus tard, Garel naissait, ajoutai-je laconiquement.
- Tu veux dire que… ton enfant aurait été béni par la Passion de l’Amour, ou un truc du genre ?
- Un truc du genre, en effet, approuvai-je.
À ce stade, il me semblait inutile d’en rajouter sur Astendar et sur le fait qu’elle était un peu plus impliquée que cela dans la conception de Garel. Ni sur le fait qu’Astendar m’avait passé un savon mémorable pour me sortir de la dépression dans laquelle j’étais tombé face à mes responsabilités écrasantes. Elles ne me semblaient pas moins écrasantes aujourd’hui, mais j’étais désormais bien déterminé à lutter et à faire de mon mieux.
- Wow ! C’est… inattendu. Mais pourquoi n’es-tu pas avec eux ? questionna Maloniel.
- Parce que Carelia a besoin d’un mari présent à ses côtés et que je ne peux pas être cet homme-là.
- Mais alors, pourquoi avoir fait Garel ? s’indigna-t-elle.
- Je n’ai pas souhaité un enfant. Mais, je te rassure tout de suite, je l’ai reconnu et je m’occupe d’eux autant que possible. C’est-à-dire trop peu, malheureusement, compte tenu de mes aventures.
- Et tu n’as jamais envisagé de laisser tomber et de rester avec eux ?
- Rarement. Cela m’est arrivé, mais plutôt lorsque ça allait mal et que j’aurais préféré me trouver ailleurs. Mais je sais que ce serait une erreur. Même sans la quête d’Andelin, je reste un aventurier dans le cœur et l’âme. Je ne pourrais pas m’établir définitivement quelque part et renoncer au reste du monde. Tout comme je ne suis pas sûr que je pourrais me consacrer à une seule femme et renoncer à toutes les autres.
- Pas prêt pour le vrai amour ? ironisa-t-elle.
- Je ne vois pas ce qu’il y a de "vrai" dans le fait de se consacrer à une seule personne plutôt qu’à plusieurs, rétorquai-je
- Sauf qu’à te disperser entre plusieurs, tu ne le vis pas de la même manière.
- Pas de la même manière, d’accord. Mais est-il moins vrai ou fort pour autant ?
- S’il n’y a pas de fidélité, il n’y a pas de confiance. Et sans confiance, difficile de construire quelque chose de durable, asséna-t-elle avec conviction.
- J’ai confiance en toi, tout comme j’ai confiance en la plupart des autres. Pourtant, je n’attends aucune fidélité en retour. Je n’ai jamais cherché à savoir ce que tu faisais ni qui tu voyais quand je n’étais pas là. Par ailleurs, une fois encore, je ne cherche rien à construire sinon que des instants précieux et à aimer avec passion. Et cela se passe très bien d’exclusivité, argumentai-je
- N’empêche… ton attitude désinvolte n’est pas très correcte.
- Dis-moi, une mère qui a trois enfants les aime-t-elle trois fois moins qu’une mère qui n’en a qu’un ?
- Quoi ? Mais… mais ça n’a rien à voir ! répondit-elle d’un air ébahi.
- Et pourquoi donc ? C’est de l’amour non ?
- Mais ce n’est pas le même !
- Si je reprends tes termes, elle ne peut pas se consacrer à un seul, donc elle les aime moins.
- Tu m’embrouilles avec tes comparaisons stupides !
- Non, au contraire. J’ai appris que les bienfaits d’Astendar ne s’affaiblissent pas en se divisant. Certaines personnes ont la capacité d’aimer beaucoup de gens, et d’autres aucun. Si j’avais dû rester tout le temps avec Carelia ou une autre, je me serais peut-être lassé d’elle ou disputé. Là, je retrouve chacune d’entre elle à chaque fois avec la même joie. De toute manière, une fois encore, je n’ai pas le luxe de choisir.
- Elle si l’une d’entre elles te forçait à choisir ? insista la jeune femme.
- Carelia a déjà tenté de me retenir pour me passer la bague au doigt, et je suis là, répondis-je. J’ai adopté Astendar et pas Garlen : la famille et le foyer ne sont pas des principes directeurs de ma personnalité.
- Je pensais à quelque chose de différent, compte tenu que tu as la bougeotte.
- Comme quoi ?
- Admettons que je demande à intégrer les Lions de Pierre. Je partagerais alors toutes tes aventures et je serais constamment avec toi. Comment tu réagirais ?
Il y eut un silence qu’elle apprécia assez mal et sa répartie fusa avant que j’aie le temps de formuler ma réponse.
- Tu détesterais autant que cela ne m’avoir toujours à tes côtés ?
- En réalité… je n’en sais rien. Je n’ai jamais eu quelqu’un longtemps à mes côtés, hormis mes frères d’armes. Non, mon hésitation vient du fait que je ne suis pas sûr que cela serait une bonne idée.
- Donc, c’est bien ce que je dis : tu ne veux pas de moi.
- Écoutes Malo, j’ai vu mourir un peu trop de mes amis dans mes aventures pour considérer que ce soit une place que je souhaite pour une fille dont je suis épris.
- Aucune de tes autres copines n’a partagé tes aventures, s’étonna-t-elle, tout énervement tombé.
- Hormis brièvement pour toi et Eliora, non.
- Et ton spectre ? Mira-truc…
- Miraëlan est restée effectivement un certain temps avec moi. Mais elle était sous forme astrale et ne risquait pas grand-chose. Dès qu’elle a eu un corps, nous nous sommes quittés.
- Tu m’explique donc que m’aimes trop pour me voir risquer ma vie de cette manière, c’est ça ?
- Il y a beaucoup de cela. Et ce serait aussi dangereux pour moi, et peut-être même pour la quête, ajoutai-je.
- Allons bon ! Je ne suis pas aussi incompétente que tu le penses ! répliqua-t-elle, piquée au vif.
- Cela n’a rien à voir avec tes compétences. Je sais que tu es efficace : je t’ai vu à l’action et je n’oublierai pas la manière dont tu as risqué ta vie pour moi.
- Mais tu ne veux pas de moi à tes côtés !
- Si, mais pas de manière continue et pas comme Lionne de Pierre, tempérai-je. Si tu es là, je ferai continuellement attention à toi et je voudrai te protéger.
- Je sais me défendre !
- Je le sais bien, mais tu ne peux pas m’empêcher de tenir à toi et de vouloir éviter qu’il ne t’arrive malheur. Étant l’éclaireur, je serai donc distrait et je frémirai pour toi à chaque combat. Je risque de me mettre plus en danger que d’habitude. »
Nous échangeâmes un regard et l’émotion passa dans son regard alors qu’elle percevait la teneur et la sincérité de mes propos. Elle se serra contre moi et ses lèvres cherchèrent les miennes. Après un long baiser, elle quitta mon giron.
« Et il y a une autre raison que tu vas moins apprécier, repris-je.
- Je t’écoutes…
- Je suis aidé et guidé par Astendar au fil de ma quête. Il me faut parfois utiliser les préceptes de la Passion pour obtenir des informations ou de l’aide. Avec une compagne à mes côtés, mes options vont singulièrement se réduire à ce niveau.
- En gros, tu m’expliques qu’il faut que tu aies les coudées franches afin de pouvoir baiser qui tu veux quand tu veux.
- C’est un peu extrême comme traduction et cela va rarement jusqu’à baiser, comme tu dis. Mais je dois pouvoir flirter et séduire quand cela s’avère nécessaire.
- C’est marrant comme tu expliques les choses. On a l’impression que tu es en service commandé et que c’est simplement une méthode alternative de discussion, commenta-t-elle avec un peu de hauteur.
- C’est pas loin de la vérité, en effet, concédai-je. J’ai consacré ma vie à la quête de la cité d’Andelin.
- Et après Andelin ? Tu y as réfléchit ?
- Après Andelin… la bonne blague ! Cela fait près de quatre ans que j’ai reçu le luth et j’ai l’impression de n’avoir quasiment pas progressé dans cette fichue quête !
- C’est si difficile que cela ? s’étonna ma compagne.
- Ce qui est surtout difficile, c’est de parvenir à y consacrer un peu de temps. Les Lions de Pierre semblent avoir été choisis pour résoudre tout ce qui ne va pas à Barsaive. Je sais qu’il y a deux autres objets liés au luth, mais je n’ai jamais pu les avoir ensemble. Quant au luth lui-même, je n’ai qu’un lien ténu avec lui et peu de pistes pour développer ce lien.
- Mais tu continues à y croire ? Tu ne vas pas laisser tomber parce que c’est Astendar qui t’a confié cette quête c’est cela ?
- Exactement, ma belle. Je sacrifierai beaucoup pour cela, y compris ma vie.
- Et celle de tes amis ?
- Hum, c’est ce que j’appelle un coup bas. J’ai perdu déjà pas mal d’amis et de compagnons d’armes, mais aucun n’est mort à cause de ma quête, jusqu’à présent. Je souhaiterai que cela continue car c’est vraiment quelque chose que je vivrais très mal, quelle que soit la personne.
- D’accord… désolé, c’était effectivement pas très gentil de ma part. Tu t’es montré sincère dans tes réponses, du moins est-ce l’impression que j’ai. Je me doute que tu ne m’as pas tout dit, mais je te suis déjà reconnaissante de tout ce que tu m’as révélé.
- Merci de rester discrète là-dessus, s’il te plaît.
- Quoi de plus discrète qu’un voleuse, répondit-elle avec un sourire taquin. Je t’ai promis de ne pas en parler et je n’en parlerai pas.
- D’accord, je compte sur toi.
- Tu peux. Bon, tu ne vas tout de même pas me jeter tout de suite ? Je peux venir avec vous jusqu’à For Vräss et peut-être voir le dragon ?
- Bien sûr ! Je dirais que pour la partie de la Roche-de-Vie et la recherche de Langue-Jaune T’silver, je pense que nous sommes en dehors de la quête d’Andelin, donc tu es la bienvenue.
- Génial ! Cela fait déjà potentiellement deux aventures à tes côtés.
- À moins que les forces d’exploration de Throal n’aient besoin de toi, tempérai-je.
- Mouais… je pense que si j’en touche deux mots à J’role, je devrai pouvoir avoir un congé spécial », répondit-elle avec un large sourire.
Nous regagnâmes ensuite le sol puis allâmes musarder dans un quartier marchand, main dans la main. Maloniel fut d’excellente humeur tout le reste de la journée. Ainsi qu’une bonne partie de la nuit.

Le passage de mon septième cercle ayant été une formalité, je passai ensuite quelques semaines à développer mes talents et mes compétences. J’en profitai également pour obtenir un entretien avec Merrox, le gardien des archives de la Grande Bibliothèque de Throal. Compte tenu de nos précédents entretiens et des menus services rendus, je n’eus guère de difficulté pour le rencontrer.
« Ah ! Messire Valérian ! Je suis ravi de vous revoir. J’ai eu quelques échos de vos dernières aventures et je crois savoir que vous avez été l’hôte involontaire des thérans.
- Parfaitement exact. Je pense que vous en savez même un peu plus que cela et que le rapport de J’role et de Belisiel est arrivé également sur votre bureau.
- Hrm ! Vous êtes direct, ma foi… mais vous avez raison. Je vous sens décidé et je ne vais pas vous faire perdre votre temps. Que puis-je pour vous ? demanda le dignitaire nain avec concision.
- En fait, je suis venu vous remettre le tome suivant de mes aventures, répondis-je avec lenteur.
- Oh ! C’est plutôt une bonne nouvelle. Vos ouvrages sont toujours intéressants.
- Mais j’avoue que j’hésite à vous confier quelque chose d’aussi important pour qu’il soit lu par des thérans, ajoutai-je sur un ton neutre.
- Pardon !?
- C’est mon premier recueil que Parr Bois-Obscur avait dérobé, n’est-ce pas ?
- Eh bien… c’est-à-dire que…
- Et la copie que vous nous avez remise pour faire l’échange était destinée à rendre Hanto introuvable, mais pas à empêcher les thérans d’en savoir un peu trop sur moi.
- Hrm… jamais nous n’aurions imaginés que…
- Que quoi ? Qu’ils me captureraient ?
- En fait… nous n’aurions pas pu imaginer que vous accompliriez autant de choses avec les Lions de Pierre et que votre renommée grandirait à ce point. Leur laisser des informations sur un inconnu ne nous avait pas semblé dangereux, et cela crédibilisait l’ouvrage.
- Un peu de faux dans beaucoup de vrai, c’est ça ?
- Heu… en quelque sorte, admit Merrox.
- Je peux vous assurer que j’ai moyennement apprécié de constater tout ce que savaient les thérans sur moi lorsqu’ils me torturaient, ajoutai-je en laissant enfin percer ma colère.
- Je comprends, mais nous n’avions pas l’intention de …
- Mais le pire a été de constater qu’ils savaient aussi des choses qui n’étaient pas dans mon premier ouvrage, poursuivis-je.
- Oh ?!
- Dans ces conditions, je ne suis pas certain que cet endroit soit aussi sûr que je le pensais. En d’autres termes : ai-je envie de donner de nouvelles informations sur ma petite personne contre quelques pièces.
- Écoutez… je ne sais pas quoi dire. Je suis consterné et je ne voudrais que vous croyiez qu’il y a la moindre volonté de notre part de vous nuire.
- De me nuire directement, certes pas. Mais j’ai l’impression que j’ai été perçu comme quantité négligeable, voire sacrifiable, pour les intérêts de Throal.
- C’est une version largement biaisée, commença à se défendre le nain.
- Mais je peux la comprendre et je ne vous en veux pas outre mesure, ajoutai-je.
- Ah ? Heu… eh bien, c’est très aimable à vous.
- Je ne suis qu’un simple aventurier. Je suppose que ma sûreté vient logiquement bien après celle de Throal, non ?
- Hum ! Je vous remercie de votre compréhension et de votre hauteur de vue. Je dois vous avouer que nous avons effectivement quelques soucis en lien avec la succession et une faction dissidente, en plus des espions thérans. Il semble difficile de savoir à qui faire confiance.
- Visiblement, vous avez des soucis similaires aux thérans avec vos dissidents, commentai-je.
- Peut-être, mais à mon niveau je dois me préoccuper des nôtres. Écoutez, je vais prendre personnellement soin de vos ouvrages et nul n’y aura accès sans avoir mon aval.
- Bien, je vais me contenter de cela. J’ai autre chose à vous demander : il me faudrait une recommandation auprès d’un spécialiste en histoire des objets. J’ai des objets à filaments assez complexes à étudier et j’aurai sans doute besoin d’aide.
- Cela ne devrait poser aucun problème. Je vais vous donner le nom d’un artisan de renom et d’une troubadour des plus compétentes. Je vais les prévenir tous deux que vous pouvez faire appel à leurs talents en mon nom. Est-ce que cela vous convient ?
- C’est parfait, maître Merrox. Il ne me reste plus qu’à vous remercier et à prendre congé.
- Heu… vous ne m’avez pas remis votre ouvrage, constata le nain.
- Ah oui, en effet. Suis-je distrait… Le voilà, je compte sur votre discrétion.
- Oui, bien sûr. Merci et au plaisir de vous revoir.
- Moi de même. À bientôt. »
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Chapitre 71 - L'Oeil de Throal
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