Lions de Metal
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Suivi de la campagne Earthdawn des Lions de Pierre, 6ème saison.
 
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 Chapitre 45 - La jungle de Servos

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AuteurMessage
Valérian
Éclaireur humain et questeur d'Astendar
Valérian


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Chapitre 45 - La jungle de Servos Empty
MessageSujet: Chapitre 45 - La jungle de Servos   Chapitre 45 - La jungle de Servos Icon_minitimeSam 5 Mar - 12:50

Chapitre 45 – La jungle de Servos
 
La jungle de Servos. Voilà ce qui nous attendait pour la prochaine étape de notre chasse au trésor.
Nous étions autour de la grande table de la salle de réunion de l'Insoumise, le navire de la t'skrang Volupsia. Tout le monde s'enthousiasmait sur les richesses à venir, sur le parcours à prendre, sur le fait d'avoir grillé Langue-Jaune T'ssilver.
Tout le monde, sauf moi.
Prémonition ou pessimisme, je n'arrivais pas à me défaire d'une désagréable impression en fixant le point marqué sur la carte de Barsaive.
 
"Hem ! Que doit-on s'attendre à rencontrer dans cette jungle ? demandais-je en me tournant vers Volupsia et Kat'sika.
- Bah ! Du classique pour une jungle : des t'skrangs primitifs, des tribus d'humains hostiles, des créatures féroces et des plantes plus ou moins urticantes ou carnivores, répondit Volupsia en haussant les épaules d'un air désinvolte.
- Je vois. Et pourquoi que l'on ne prend pas votre navire pour descendre le fleuve serpent ? Ce serait plus rapide et moins risqué, poursuivis-je.
- Sur la carte, oui. Mais la route est calculée à partir du lac Ban en ligne droite. Si on tente de trouver ce point en prenant un autre itinéraire, ce sera nettement plus compliqué, insista Volupsia.
- Hm… je ne suis pas cartographe ni navigateur, mais un point sur une carte, ça reste le même point, quel que soit la direction d'où on s'en approche, non ?
- Comme vous le dites, vous n'êtes pas navigateur… commenta laconiquement la t'skrang avec un sourire indulgent.
J'avisai d'un regard que Thregaz ne semblait pas plus que moi convaincu par l'argument de Volupsia.
- Admettons, repris-je. Alors, si Verte-Crête n'est pas passé par le fleuve, il est passé comment ?
- Ben…par la jungle ! répondit Kat'sika comme si elle s'adressait à un demeuré.
- Avec son trésor ? Seul ? Tout seul en pleine jungle avec "le fabuleux trésor de Vertecrête" ? C'est ça ? Et personne ne l'a vu passer ? Personne ne l'a suivi ?
Tout le monde écoutait à présent et certains fronçaient les sourcils.
- Tu veux en venir où, Valérian ? demanda Ghorghor, intrigué.
- Je trouve juste que cette histoire de trésor pue le faisandé. Un, on n'est pas sûr que ce trésor existe. Deux, on n'est pas sûr qu'il soit arrivé à l'endroit désigné sur la carte. Trois, on n'est pas sûr qu'il y soit encore… Et quatre, pourquoi le cacher et laisser des indices pour le retrouver ? C'est débile ! Pourquoi ne l'a-t-il pas donné à quelqu'un qu'il appréciait ?
- Ahhh… je vois. C'est juste parce que vous ne raisonnez pas en pirate, reprit Volupsia en souriant.
- Pardon ?
- Ce trésor a été accumulé par Verte-Crête tout au long de sa vie de pirate. Seul quelqu'un qui accepte l'aventure et les pièges laissés par l'ancien propriétaire mérite de le retrouver. Et Verte-Crête n'appréciait pas grand monde, poursuivit la capitaine.
- En plus, un tel trésor attirerait forcément des emmerdes à celui qui le recevrait. Ça se saurait vite et ce serait plutôt un truc à filer à un type qu'on n'aime pas, histoire d'être sûr qu'il ne passe pas la semaine, commenta Kat'sika avec un sourire carnassier.
- Et une chasse au trésor avec des certitudes et une quête trop simple, ce n'est plus une chasse au trésor, renchérit Volupsia avec ardeur. C'est parce que c'est improbable que ça va marcher ! C'est ça le monde des pirates !
- Ça n'explique toujours rien pour la jungle. Comment a-t-il fait ? m'entêtais-je
- Il a tué tous ses porteurs à l'arrivée peut-être ? suggéra Ghorghor.
- Il a descendu le fleuve en pirogue et négocié avec les tribus rencontrés ? émit T'saslinka.
- Il est passé au-dessus, lâcha laconiquement Thregaz.
Tout le monde se tourna vers lui.
- Ben ouais. Il charge ses caisses sur un navire volant, il les débarque à l'endroit voulu et il repart. C'est facile.
- Et pour l'itinéraire, il fait comment ? s'étonna Volupsia. Le point de départ, la trajectoire, le nombre de jours ?
- Il s'en fout. Il a un point d'arrivée sur une carte, il choisit ensuite un point de départ et il fait le chemin à rebours, à la louche.
- J'avoue que je suis nettement plus convaincu par l'idée de Thregaz que par celle d'un capitaine pirate traversant la jungle à pinces, déclarais-je.
- De toute manière, on va y aller, alors on s'en fout ! asséna Kat'sika.
- Je sais. C'était juste pour causer, répondit l'écumeur du ciel. Moi, c'est ce que j'aurais fait.
- N'empêche que ça me plait pas du tout ce truc, maugréais-je.
- Il est toujours aussi enthousiaste, votre pote ? demanda Volupsia à Thregaz en me désignant du pouce.
- Ouais. C'est son truc, il aime bien ronchonner mais il va venir. Et il connaît son taf.
- Et si je viens pas, vous faites quoi ? grommelais-je.
- Ben, on y va quand même mais on prendra encore plus cher sans éclaireur. Et si tu nous lâche et qu'on revient pas, tu vas t'en vouloir toute ta vie. Enfin… ta courte vie parce que je pense qu'il y a trois trolles qui ne vont pas apprécier ta désertion. Et pis, on fait ça pour Jeb, faut finir le job !
- Le boulot, c'était de filer l'anneau à Kat'sika. C'est fait, non ?
- Ouais, mais y'a du pognon à la fin.
- C'est pas sûr. Et l'aventure juste pour l'or, c'est pas notre truc.
- Rappelles-moi qui s'est plaint l'autre jour en sortant de chez l'herboriste que tout était trop cher et qu'aventurier ça payait pas ? fit remarquer Ghorghor avec un sourire en coin.
- Bon… je vois que tout le monde est contre moi.
- Bah non, tempéra Thregaz. C'est juste que ça sert à rien de se faire des nœuds au cerveau. Une chasse au trésor, c'est cool. Et puis, si tu veux pas du pognon, tu pourras le donner au village ou à ton gamin."
 
Je continuai à bouder quelques instants pour le principe puis je rejoignis la petite fête organisée à bord de l'Insoumise. N'empêche que je ne la sentais pas du tout cette chasse au trésor.
 
Le lendemain, nous mettions le cap au sud et rejoignîmes en quelques jours le lac Ban. C'était la région de V'strimon, le coin où nous nous étions rencontrés, Thregaz, Jeb et moi, il y avait plus de trois ans. Je réalisai aussi que je n'étais pas très loin de ma famille. Une petite visite sur le retour serait à étudier.
Nous passâmes quelques jours au lac Ban, la grande ville de la région, afin d'y faire les préparatifs de notre expédition. Ghorghor et T'saslinka s'occupèrent des fournitures pendant que Thregaz, Afiriz et moi passions du temps dans les auberges à discuter avec la population locale afin d'en apprendre le plus possible sur la jungle de Servos. C'était malheureusement conforme à la description de Volupsia. Fait étonnant et inquiétant, on rapportait également la présence d'un certain nombre de navires thérans au-dessus de la jungle.
 
Le second soir, notre nain revint fièrement avec une mule chargée de fourrures. T'saslinka suivait avec un petit sourire gêné.
"C'est quoi ça ? demanda Monsieur.
- C'est une mule, répondit le nain.
- OK, ça je vois. Mais sur la mule ? insista le troll.
- Des fourrures.
- C'est bien ce qu'il me semblait. Et pourquoi tu as acheté des fourrures pour aller dans la jungle ? poursuivit Thregaz.
- C'est le vendeur de la mule qui m'a mis dans la confidence. Comme j'étais un bon client, il voulait m'éviter des ennuis dans la jungle.
- D'accord, mais pourquoi des fourrures ?
- En fait, il m'a expliqué que les nuits là-bas étaient très froides et qu'on en aurait besoin. Il m'a d'ailleurs fait un bon prix pour le lot. C'est sympa non ? déclara Ghorghor avec un grand sourire.
Derrière lui, T'saslinka se retenait à grand peine de ne pas éclater de rire.
- Et en plus de nous encombrer, ton truc sympa il nous a coûté combien ? intervins-je avant que Thregaz s'énerve.
- Pas grand-chose, ça doit faire à peine 20 pièces d'argent pour chacun. Comme pour la mule d'ailleurs. Et demain, j'irai récupérer la nourriture pour le groupe pour un mois. Au total, ça fera quatre-vingt pièces d'argent pour chacun. J'ai même les gourdes et des beaux sacs à dos faits par des artisans t'skrang locaux. Et même des chapeaux faits en roseaux tressés. Je les ai trouvés très jolis.
Je trouve que cette chasse au trésor commence on ne peut mieux."
La t'skrang ne tint plus et pouffa de rire.
"Et toi, tu n'as pas pu lui faire comprendre qu'il se faisait avoir ? demandais-je à T'saslinka.
- J'ai essayé. Mais le plus têtu des deux, c'est pas la mule… répondit-elle en s'essuyant une larme au coin de l'œil."
Pour l'avoir vu en action lors de la négociation avec Nicodemus, il fallait avouer que l'armurier n'était pas très réceptif à la prudence commerciale et il était inutile de faire des reproches à la t'skrang.
J'échangeai un regard avec Thregaz. Nous n'eûmes pas besoin de parler pour convenir qu'il faudrait rapidement désigner un nouveau négociant dans le groupe.
 
Le lendemain, nous terminâmes nos préparatifs et passâmes voir une dernière fois Volupsia avant notre départ. Notre périple dans la jungle devait durer une vingtaine de jours, si nous tenions le cap et si nous ne rencontrions pas trop de problèmes. De son côté, l'Insoumise descendrait le fleuve Serpent parallèlement à nous puis remontrait la rivière de Servos et nous attendrait au plus près du point sur la carte. Ceci nous permettrait de charger le trésor après seulement quelques jours de marche et de faire plus aisément d'éventuels allers et retours. Enfin… c'est ce qui était prévu.
 
 
Ce fut finalement le jour du départ. Ce n'était certes pas ma première aventure mais c'était ma première chasse au trésor. Cette fois, personne à sauver, pas d'Horreur au bout de le route, pas d'armée ork à chaque tournant. Mais les dangers n'allaient pas manquer, c'était une certitude.
  
Les trois premiers jours furent tranquilles. Nous nous éloignions des abords marécageux du fleuve Serpent pour suivre un cap résolument à l'ouest, droit vers la ligne de jungle au loin. C'était un paysage légèrement vallonné de plaine à l'herbe grasse et nous ne fûmes pas inquiétés. Cela nous permit de rôder le groupe et de mieux nous connaître.
Je pris, bien évidemment, le rôle d'éclaireur et marchai une bonne centaine de mètres devant les autres car la vue était dégagée. Thregaz était notre navigateur et il devait régulièrement vérifier que nous étions dans la bonne direction. Afiriz, quant à elle, s'occupait de l'intendance et organisait au mieux nos réserves, et notamment la nourriture, pour éviter toute perte ou gaspillage et profiter des ressources naturelles rencontrées pour améliorer le quotidien et réduire l'impact sur le stock. T'saslinka, Kat'sika et Ghorghor s'occupaient des corvées lors des haltes et protégeaient le convoi.
 
Au quatrième jour, nous entrâmes dans la jungle. L'atmosphère moite et pesante, constamment troublée par les cris de la faune locale, ne nous quitta plus. Hormis quelques animaux qui fuirent à notre approche, nous ne rencontrâmes rien de notable ce jour-là.
Le cinquième jour, je me réveillai en sachant que j'avais encore rêvé d'Andelin. Rien de précis mais les souvenirs fugaces ne laissaient aucun doute. Toujours ce sentiment d'urgence, sans savoir s'il venait d'Astendar ou de mes propres craintes.
En fin de journée eut lieu notre premier contact avec une peuplade primitive. J'avais remarqué depuis un certain temps que nous étions observés et suivis. Je laissai le reste du groupe me rejoindre et les prévins. Nous fûmes alors rapidement encerclés par une vingtaine d'humains primitifs visiblement peu heureux de notre présence. Je tentai d'établir un dialogue sans trop y croire et me rendis compte que leur dialecte m'était vaguement familier. En fait, cela me rappelait l'espèce de baragouinage d'un vieux de mon village d'enfance. J'avais fait l'effort d'apprendre quelques mots et cela me servait de manière étonnante aujourd'hui au milieu de cette jungle. Et cela m'ouvrait d'étranges perspectives sur l'origine du voisin bizarre de mes parents.
Ils me demandèrent ce que nous faisions sur leur territoire. Je leur fis comprendre que nous n'étions pas une menace, que nous ignorions que c'était leur territoire et que nous ne faisions que traverser. Pour prouver notre bonne foi, je leur donnai quelques rations de nourriture ainsi qu'une partie de notre stock de fourrures. La mule ne se plaignit pas de voir allégé son fardeau. Ils décidèrent de nous escorter, histoire d'être sûrs que nous ne nous égarions pas. En chemin, j'en profitai pour leur demander ce qu'il y avait à craindre dans cette contrée. Ils me parlèrent de la présence des thérans esclavagistes, des inchalatas, des skeorx et d'un dragon. Nous arrivâmes bientôt aux limites de leur territoire et ils nous laissèrent continuer. Peu après, je vérifiai qu'ils ne nous suivaient pas puis, rassuré, je rejoignis les autres.
 
Les deux jours suivants furent assez calmes. L'évènement le plus marquant fut le moment où nous aperçûmes un griffon des jungles, animal aussi magnifique que dangereux. Par chance, lui ne nous vit pas.
Après deux autres jours de périple sans rencontre hostile, alors que nous cherchions un emplacement pour le campement du soir, je remarquai des formes souples et furtives qui rôdaient autour de notre groupe. Nous nous regroupâmes en formation défensive, la mule effrayée au centre. Nous aperçûmes bientôt une demi-douzaine de félins de la taille d'un lynx de montagne, à la robe noire et très désireux de nous ajouter à leur repas du soir. Notre nombre et notre taille ne semblaient pas les impressionner outre mesure. Afiriz identifia des crojens et nous conseilla de faire très attention à leurs griffes qui étaient tranchantes comme des rasoirs et à leur frénésie en plein combat.
Les créatures encerclèrent notre groupe et tentèrent de nous attirer individuellement hors de notre formation. Ils se montrèrent, effectivement, redoutables et très vifs lors de leurs assauts mais notre formation défensive et notre discipline les empêchèrent d'en profiter pleinement. Blessés et dépités, ils tournoyèrent autour de nous pendant plusieurs minutes puis partirent chercher ailleurs un repas moins résistant. Hormis Kat'sika qui fut légèrement blessée, notre compagnie s'en sorti bien.
 
Lors du repas, je décidai d'aborder le sujet des anneaux avec la maîtresse d'armes t'skrang.
"Dis-moi, Kat'sika, pourquoi les anneaux de Verte-Crête s'appellent-ils les Amants d'Astendar ?
- Qu'est-ce-que j'en sais moi ! répondit la t'skrang de sa manière brusque. C'est sans doute parce qu'il avait choisi Astendar comme passion.
- Un t'skrang pirate ? Astendar ? m'étonnais-je.
- Et pourquoi pas ? Y'a que les humains qui ont le droit d'apprécier la beauté ? Les autres peuples sont trop frustres, c'est ça ? se hérissa-t-elle.
- Non, pas du tout, l'assurais-je. C'est simplement que Verte-Crête étant célèbre, sa célébrité aurait dû s'étendre à eux et on aurait dû les appeller les Anneaux de Verte-Crête. Pourquoi sont-ils connus sous ce nom ?
- J'en sais rien et je m'en fiche ! Il en a offert un à son épouse d'alors et a gardé l'autre pour lui et puis voilà !
- C'est lui qui a fait ces anneaux ou il les a trouvés ?
- Je-ne-sais-pas ! Fous-moi la paix avec ces trucs. Ils mènent au trésor c'est tout ce qui compte."
Je n'insistai pas mais je subodorai un truc d'importance avec ces anneaux et je me promis de faire mon possible pour mettre la main dessus.
 
Le lendemain, nous reprîmes la route et il faut croire que cette histoire d'anneau continua à me turlupiner car je menai le groupe en plein dans un village t'skrang. Pour ma défense, il faut préciser que ce village était semi-immergé et que les habitants utilisaient plus volontiers la rivière que la terre ferme pour leurs déplacements. Nous fûmes rapidement repérés et bientôt encerclés par une tribu de t'krangs primitifs arborant des masques plutôt impressionnants. L'accueil fut glacial et les choses faillirent tourner mal. Cette fois, ce fut T'saslinka qui parvint à établir le contact et à négocier pour éviter un dénouement sanglant. Les t'skrangs nous laissèrent partir mais demeuraient hostiles. Selon T'saslinka, ils nous avaient pris pour des thérans à la recherche d'esclaves.
Cette région marécageuse et le détour pour quitter le territoire de cette tribu compliquèrent les choses à Thregaz pour s'orienter mais notre écumeur du ciel finit par retrouver le bon cap. De mon côté, j'eus fort à faire pour nous éviter des rencontres avec des prédateurs locaux mais je parvins à les éviter et à dissimuler la présence de notre groupe.
 
Le lendemain, en fin d'après-midi, je remarquai un chasseur qui surveillait le groupe. En m'approchant silencieusement, je vis bientôt qu'il menait un groupe de soldats thérans et de porteurs, visiblement des esclaves. Je détestai instinctivement le chasseur théran. Il constituait mon parfait opposé : un type qui utilisait sa connaissance du terrain et ses talents pour chasser et asservir des donneurs de nom, alors que j'utilisai ces mêmes talents pour protéger mon groupe et réduire au minimum l'impact de notre passage sur l'écosystème local. Je ne pouvais laisser un tel homme nous tourner autour. J'encochai lentement un carreau, armai mon arbalète et visai avec soin ma cible. À peine le projectile décoché, je prévins mon groupe d'une embuscade, de la composition et de l'emplacement des troupes adverses.
Je dus crier trop tôt car le chasseur tressaillit juste avant que ma flèche ne le touche et elle ne le blessa que légèrement. Vif comme un lynx, il me repéra et me décocha une flèche que je ne parvins pas à esquiver et qui me m'atteignit. Grimaçant de douleur, je trouvai refuge derrière un tronc alors que mes compagnons s'armaient puis progressaient vers les thérans. J'avais aussi aperçu à côté du chasseur un ork habillé en éclaireur. Cela ne m'inquiéta guère car mon expérience m'avait toujours prouvé que les orks n'étaient pas de bons éclaireurs.
Je repérai ce dernier assez facilement alors qu'il tentait de me prendre à revers. J'esquivai son attaque et m'apprêtais à répliquer lorsque j'entendis le chasseur théran ordonner à ses troupes de cesser le combat. Un coup d'œil à la situation me permit de constater qu'il était enchevêtré contre un tronc par un groupe de lianes contrôlé par Afiriz. Au centre, Ghorghor et Thregaz, appuyés par les deux t'krangs, faisaient reculer les troupes théranes, impressionnées. Leur chef était à terre, aux pieds du troll. 
 
Quelques instants plus tard, nous avions désarmés les thérans. Le chasseur, qui était leur chef, s'appelait Rancar Carinici. Il était d'ascendance noble et ne semblait guère éprouvé par sa défaite. Il avait surtout mis fin au combat car il craignait pour la vie de son protégé, le jeune officier Jilur, alors que ce dernier avait été neutralisé par Thregaz. Depuis qu'il s'était assuré que ce dernier survivrait à ses blessures, il cherchait à lier connaissance avec notre groupe.
"Bon, maintenant que nous avons dissipé ce petit malentendu, nous pouvons discuter un peu.
- Je ne suis pas certain d'avoir envie de discuter avec vous, répliquai-je d'un ton acide.
- Allons, allons ! Nous sommes entre gens civilisés et nous pouvons nous entendre, j'en suis certain. C'est vous le chef ?
- Il n'y a pas de chef dans notre groupe.
- Ah ! Toujours ce même problème avec l'autorité chez vous, les barsaiviens. Mais ce n'est pas un problème. Vous voulez vous joindre à nous ? Nous avions commencé de préparer le camp pour la soirée et je vous invite.
- Nous ne souhaitons pas manger en votre compagnie et je vous ferai remarquer que c'est nous qui sommes maître du terrain.
- La belle affaire, nous n'allons pas continuer à ressasser ce petit accrochage, non ? Il faut aller de l'avant et profiter des nouvelle rencontres et opportunités. Je suis sûr que vous avez plein de choses intéressantes à nous raconter. Tenez, venez que je vous présente à notre troubadour, la charmante Selomorëa. Je vois que vous avez un beau luth, là. Vous avez sûrement des choses à vous dire."
Ladite Selomorëa était sans nul doute charmante mais ses fréquentations ne me plaisaient pas et je n'étais pas du tout d'humeur badine. Voyant que le reste du groupe semblait d'accord avec moi, j'enfonçai le clou.
"Encore une fois, vous avez perdu le combat, vous dégagez le terrain et vous allez vous installer plus loin.
- Vous n'êtes pas sérieux ?! Nous avons déjà presque tout préparé !
- Mais vous êtes libre de laisser ce que vous souhaitez sur place si cela vous semble trop d'efforts de déplacer ce que vous avez préparé, continuai-je avec une froide désinvolture.
- Sérieusement, on doit pouvoir s'entendre, non ? D'ailleurs, vous n'avez pas vraiment gagné puisque j'ai arrêté avant.
- Vous voulez que l'on reprenne les hostilités ? Je suis sûr que mon ami troll pourra finir le travail avec votre petit protégé, poursuivis-je avec un mauvais sourire.
- Bon, très bien ! Ça va, nous partons ! Vous n'êtes vraiment pas sympa, s'emporta-t-il en levant les bras au ciel de dépit.
- Mais avant, j'aimerais parler à vos esclaves pour voir si certains souhaitent changer de statut et recouvrer la liberté.
- Quoi ?! Mes esclaves ? Mais vous n'avez pas le droit !
- Eh bien nous allons le prendre".
Cela clos le débat et Rancar m'accompagna vers ses esclaves en pestant.
 
Comme ils étaient très majoritairement elfes, je m'adressai à eux en sperethiel.
Rancar y alla ensuite de son petit discours en théran. Je ne le compris pas mais il y avait un ton légèrement menaçant. Au final, sur la dizaine d'esclaves, je ne parvins à en convaincre que trois.
Les thérans levèrent le camp. Je leur laissai un peu d'avance puis les suivis afin de voir où ils allaient. Ils ne s'éloignèrent que d'environ 800 mètres puis s'installèrent. L'éclaireur ork, Brelak, me remarqua et je battis en retraite.
 
 De retour au camp, étant le seul de notre groupe à parler en elfique, je fis les présentations avec nos trois nouveaux compagnons. Il y avait Elinas, un type peu causant qui portait des traces de coups, Merendis, qui semblait tout aussi intelligent que suspicieux, et Faliniaë, une jeune femme aux yeux magnifiques qui proposa immédiatement son aide pour nettoyer nos vêtements.
Je profitai des deux heures de jour qui restaient pour aller chasser un peu car nous avions désormais trois bouches supplémentaires à nourrir. Je revins juste avant la nuit pour le repas avec quelques volatiles que j'espérais comestibles.
 
Pendant de mon tour de garde, alors que j'essayai de faire parler de lui Merendis, de très légers bruits attirèrent mon attention. Laissant l'elfe continuer de monter la garde, je me glissai furtivement dans la nuit en entrepris un contournement pour arriver dans la zone où j'avais cru percevoir quelques bruissements étranges. Je repérai bientôt l'éclaireur ork qui surveillait notre campement. Il ne m'avait pas vu et j'aurais pu lui planter ma lame dans le dos mais je choisis d'être magnanime, une fois de plus et le raccompagnai à son campement tout en devisant tranquillement.
Arrivé en vue des sentinelles, Brelak sorti son épée et m'en menaça en même temps qu'il appelait des renforts.
Le danger était réel mais la situation ne m'inquiéta pas outre mesure. J'étais dans mon élément, je savais être meilleur que l'ork et je comptai les deux gardes qui accouraient pour quantité négligeable. Je sortis à mon tour mon arme de son fourreau alors que l'ork m'attaquait. Je fis un pas de côté et contre-attaqua avant qu'il ne se replace. Ma lame toucha sa cible et Brelak recula en titubant, puis s'affala à terre, grièvement blessé. Je lui fis un salut ironique de ma lame puis disparu dans la jungle et la nuit, invisible aux yeux des deux gardes qui arrivaient.
Au camp, c'était le branle-le-bas de combat. Les gris des gardes avaient alarmés Merendis qui avait réveillé Thregaz et toute l'équipe s'apprêtait à venir m'aider. Je rassurai tout le monde de mon mieux mais je fus un peu sermonné par le troll qui n'avait pas apprécié que je laisse le camp seulement surveillé par un elfe inexpérimenté et dont la loyauté restait à prouver. Et également parce que j'étais parti me battre sans lui. Le premier point était pardonnable, le second beaucoup moins.
 
Deux jours plus tard, nous arrivâmes dans une zone marécageuse. Nous en profitâmes pour prendre un peu de poisson et renouveler notre stock de provisions déclinant. La mauvaise nouvelle c'est que Thregaz avoua être un peu perdu et qu'il ne s'attendait pas à un marais dans ce secteur.
Le lendemain, fut assez calme et notre navigateur pensait avoir retrouvé le bon cap. Toutefois, en fin de journée, nous entendîmes des tambours de guerre qui se rapprochaient. Alors que nous hésitions sur la conduite à tenir, un petit groupe de donneur de noms fit irruption dans notre clairière et vint rapidement dans notre direction. Nous constatâmes rapidement qu'il s'agissait du théran Rancar et de quelques membres de sa troupe : un soldat, deux esclaves et la troubadour. Tous étaient en piteux état et visiblement aux abois. Les tambours étaient pour eux et la chasse étaient lancée. Ironie du sort : le chasseur était désormais chassé et sa faconde habituelle l'avait quittée. Comme leurs traces menaient droit sur nous, nous nous joignîmes à eux pour un temps puis, lorsque le bruit des tambours cessa, nos pistes se séparèrent.
 
Au matin d'un réveil difficile après notre fuite nocturne et un campement simpliste, Thregaz fit un nouveau point de navigation. Après vérification, il fallut bien se rendre à l'évidence : nous étions revenus sur nos pas depuis plusieurs jours déjà.
Constatant que notre stock de nourriture fondait et que notre équipement méritait un peu d'entretien, je proposai de faire un campement pour nous reposer un jour ou deux et chasser pour reconstituer nos réserves. Le reste du groupe ne fut pas d'accord et proposa de reprendre la route. Je m'inclinai.
 
 
Je marchai dans cette jungle sans fin, alors que des tambours de guerre résonnaient au loin.  Je fuyais, sans trop savoir quoi ni où. Soudain, je débouchai dans une petite clairière et je remarquai immédiatement les pieux plantés dans le sol. Ainsi que ce qui était fiché au bout. Je fixai les regards morts des têtes des thérans. Celle de Rancar s'adressa à moi, un rictus sur ses lèvres désormais sanguinolentes :
"Nous avions bien quelques différences de vues, mais de là à nous abandonner ainsi, vous êtes rude, mon cher ! Où sont vos belles leçons de morale ?".
Le pire était le regard éploré de la troubadour. Son joli visage semblait intact et j'y lu toute la peine du monde figée en une question muette "pourquoi ?".
La forme éthérée de Miraëlan apparut soudainement et elle se déplaça vers le pieu de l'elfe. Son visage se superposa au sien et elle déclara avec un sourire sauvage :
"Bien, voici déjà une jolie tête. Il ne manque plus que le reste du corps".
Je me détournai de la scène insoutenable pour apercevoir plus loin la tribu des t'skrangs primitifs en approche. Toutefois, leur masque semblait nettement plus vivant et animé que dans mon souvenir. Presque insectoïde. Je sursautai en constatant que c'étaient un mélange d'invaë et de t'skrang et qu'ils venaient vers moi en murmurant :
"Nous t'avons retrouvé. Notre préssssieux Valérian. Ssssette fois tu es à nous".
 
Je me réveillai en sursaut, le corps moite de transpiration. La touffeur de la nuit dans cette jungle n'était pas la seule cause et je n'avais pas envie de me rendormir, le cauchemar était encore trop vivace dans mon esprit. Je me levai pour aller prendre un tour de garde, même si ce n'était pas le mien.
Le message du rêve était clair et je m'en voulais de n'avoir rien tenté pour aider les thérans. Avec l'aide du chasseur, j'aurais pu dissimuler le groupe et attirer les t'skrangs vers une fausse piste. Mais je n'avais pas voulu côtoyer plus que nécessaire ce fichu esclavagiste.
Et Eliora Nash ? Eliora était aussi une thérane mais je ne l'avais jamais vu dans ce contexte, alors que Rancar m'était apparu comme un esclavagiste dès le départ. Il méritait ce qui lui était arrivé.
Et la troubadour Selomorëa ? Méritait-elle aussi son sort ? Une partie de moi voulais répondre "sans doute puisqu'elle accompagnait et glorifiait un type comme Rancar", une autre part pensait plutôt "C'était juste son boulot, rien ne prouve qu'elle appréciait cela." J'avais abandonné une belle elfe à son sort sans rien tenter et, pire que tout, sans avoir envie de rien tenter. Je faisais un sacré questeur d'Astendar si le sort des belles artistes m'importait peu. Je n'avais même pas cherché à lui parler. Je me fis la réflexion que c'était la même chose avec la jolie elfe qui nous accompagnait désormais. Faliniaë continuait à se comporter comme une esclave. Elle se montra disponible et travailleuse et s'occupait de nos vêtements avec efficacité et célérité. J'avais croisé plusieurs fois son regard, pourtant magnifique, sans que cela ne déclenche la moindre émotion chez moi.
La raison était bien évidemment Miraëlan. Comment badiner avec une jolie fille quand une autre, qui vous donne du "mon amour" à tour de bras, écoute tout ce que vous dites et voit tout ce que vous faites ?
Je ne saurais dire ce que je craignais exactement de sa part. De la jalousie ? De la vengeance sur mes éventuelles partenaires ? Une tentative de possession sur leur corps ? En tout cas, tout ceci n'était guère positif ni pour ma libido ni pour ma tranquillité d'esprit.
Libérer les princesses elfes était nettement plus facile lorsque j'avais douze ans…
 
Après trois nouvelles journées de marche assez tranquilles, nous parvînmes à proximité d'un fleuve. Nous découvrîmes un village t'skrang détruis depuis plusieurs semaines. Un elfe émacié se dissimulait dans les ruines et il s'enfuit à notre approche. Nous le rattrapâmes et finîmes par le convaincre de rester avec nous. Il s'appelait Vesrell et faisait partie de la troupe de Rancar. Il ne put rien nous apprendre sur le village car il était déjà dans cet état à son arrivée, deux jours plus tôt. Je repérai les environs avec Afiriz pour vérifier que la zone était sûre puis nous y établîmes un campement.
Ce qui était arrivé au village ressemblait à un raid théran et cela était des plus inquiétants au cœur de Barsaive. Un petit rapport aux forces d'exploration throaliques s'imposait au retour.
Plus habituées que nous aux villages t'skrangs, T'saslinka et Kat'sika trouvèrent un petit stock de nourriture dissimulé ainsi que des pirogues pour traverser le fleuve.
Cette pause permit de faire un peu d'entretien pour le matériel qui souffrait de notre séjour prolongé dans ce milieu perpétuellement humide. Les lames commençaient à se piquer de rouille, les cuirs et les vêtements à moisir et la nourriture mal empaquetée à se gâter. J'étais surtout inquiet pour mon luth, seul objet irremplaçable de mon équipement. Toutefois, il semblait plutôt bien supporter le voyage et l'humidité ne l'avait pas atteint.
 
Trois jours plus tard, le groupe s'effondrait pour le campement du soir. L'état général s'était nettement dégradé, tout comme le moral. Notre organisme, fatigué par l'effort constant dans ce milieu inhabituel, semblait avoir atteint ses limites et plusieurs étaient malades. J'avais développé une forme bénigne de la tremblotte mais cela ne m'incapacitait pas trop. Plus grave, Ghorghor, Afiriz et T'saslinka avaient attrapé la gigue jaune et je peinais à stabiliser leur état et à éviter que les autres ne soient contaminés à leur tour. Mes compétences médicales étaient réduites dans ce milieu où je connaissais mal la flore. Tant bien que mal, le groupe allait de l'avant tout de même. Par chance, notre inoxydable Thregaz était toujours vaillant et tenait le cap tout en constituant une force de frappe suffisante contre bon nombre de prédateurs. 
 
Le lendemain, à la mi-journée, je découvris des ruines. J'appelai Kat'sika et cette dernière identifia bientôt des marques pirates sur les vestiges. Nous touchions enfin au but !
Portés par l'espoir, nous retournâmes chercher le reste du groupe.
         
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Chapitre 45 - La jungle de Servos
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