Lions de Metal
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Suivi de la campagne Earthdawn des Lions de Pierre, 6ème saison.
 
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 Chapitre 52 - Recadrage d'un questeur

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Valérian
Éclaireur humain et questeur d'Astendar
Valérian


Messages : 842

Chapitre 52 - Recadrage d'un questeur Empty
MessageSujet: Chapitre 52 - Recadrage d'un questeur   Chapitre 52 - Recadrage d'un questeur Icon_minitimeVen 9 Déc - 20:52

Ce chapitre a été rédigé afin de relancer un personnage qui partait vraiment en vrille et qui ne me procurait plus guère de plaisir à l'interpréter.
Il a légèrement retouché et validé par le MJ.

Une fois encore, c'est un truc assez personnel mais qui éclaire sur les raisons du changement d'esprit du personnage.
Espérons que ce sera suffisant pour vraiment remonter la pente parce que je ne le referai pas deux fois...



Chapitre 52 – Recadrage d’un questeur
 
La nuit était tombée depuis quelques heures déjà sur le Val d’Olsir. Je terminais mes préparatifs afin de partir le lendemain matin à la mine d’or de la compagnie de la Poignée de Main, avec Ghorghor. Sans grand enthousiasme de ma part.
Je sentis alors comme une présence dans la pièce. Il y eut comme un léger souffle d’air parfumé et la lumière de la lampe augmenta soudainement pour illuminer la pièce. Je me retournai et je me figeai sitôt que je la vis.
Je ne l’avais rencontré qu’une fois auparavant mais son souvenir restait marqué au fer rouge dans ma mémoire. Un souvenir précieux, doux et amer à la fois.
 
Astendar était dans ma chambre. Elle se tenait à quelques mètres de moi, mon… son précieux luth dans les mains. Elle était vêtue de manière élégante mais légèrement plus stricte que la première fois. Même si ses bras étaient toujours nus, le vêtement tombait plus bas et semblait plus épais. Son regard était scrutateur et grave et aucun sourire ne fleurissait sur ses lèvres parfaites. Même ainsi, elle restait la plus belle des femmes.
 
« Bonsoir Valérian.
- Hem… Bonsoir… heu… Madame.
- Je suis venu te rendre une petite visite pour voir comment tu allais, commença-t-elle d’un ton neutre sans me lâcher de son regard inquisiteur.
- Comment je vais ? Hé bien… heu… ça va, je pense. Je fais mes préparatifs pour aller enquêter sur un petit problème dans une mine. Des gens disparaissent…
- Oui… je vois.
Elle marqua un silence pesant que je n’osai rompre.
- Dis-moi, depuis quand travailles-tu pour la Main de la Corruption et pour les Horreurs ? reprit-elle d’un ton dur.
- Quoi ?! Mais je n’ai jamais…
- Silence ! J’ai quitté un apprenti questeur d’Astendar il y a trois ans et je retrouve un chantre du désespoir et du renoncement !
Sous la véhémence de l’accusation, je ne pipai mot.
- Je prête souvent une oreille attentive à ce que l’on me rapporte de ceux qui sont chargés de transmettre les valeurs que je représente. Alors quand les griefs et les pleurs se multiplient au sujet d’un certain questeur dans lequel j’avais placé quelque espoir, je m’en inquiète. Et ce que j’ai vu en t’observant ces derniers jours me montre que mon inquiétude était largement justifiée.
- Mais qui…
- Qui se plaint de toi ? Carelia pour commencer. D’elle, j’ai l’habitude même si je déplore que tu ne te décides pas à régler cette histoire. Tu es cruel avec elle.
- Mais c’est elle qui crois encore que je peux revenir à ses côtés, me défendis-je.
- Et c’est toi qui vient régulièrement la voir et qui la couvre de cadeaux à la moindre occasion. Que doit-elle comprendre ?
- Mais je ne peux pas couper les ponts, c’est la mère de mon enfant !
- Certains disent qu’il n’y a pas d’amour mais seulement des preuves d’amour. Tes paroles disent une chose et tes actes en disent une autre. Il faudra que tu te résigne à faire un choix un jour, dans son intérêt.
- Même si je n’ai pas souhaité cet enfant, je ne peux pas l’abandonner, ni sa mère.
- Je te parle de Carelia et tu me réponds Garel. Tu te sers de lui pour ne pas rompre avec sa mère et lui laisser de l’espoir.
- Bon… j’essaierai d’être plus clair la prochaine fois.
- Clair ne veut pas dire dur, j’espère. Soit correct avec elle, je te prie.
- Telle était mon intention, rassurez-vous…
- Passons à Luriel.
- Luriel ? Quoi Luriel ? répondis-je comme en écho, éberlué.
- Tu la courtisais il y a peu et désormais tu l’évites comme la peste.
- Mais ce n’est pas vrai, je l’ai encore vu la semaine dernière !
- Et tu lui as parlé ?
- Heu… en fait non, reconnus-je piteusement.
- Sans lui faire de déclaration d’amour, une simple discussion amicale aurait été la moindre des choses non ?
- C’était un peu compliqué en fait…
- C’est toujours compliqué avec toi ! Mais simplement parce que TU compliques tout. Tu crois que si tu ne souhaites pas coucher avec une fille, tu n’as pas besoin de lui parler. Il y a une myriade d’attitudes différentes entre la séduction active et l’indifférence totale, il faudrait que tu t’en rendes compte ! Je croyais que c’était la recherche de l’Amour qui te guidait. La recherche de la Passion.
- Je ne souhaite pas vraiment jouer à cela avec elle. Elle attend plus que ce que je peux lui offrir.
- Dans ce cas, si tu souhaites éviter de transformer le jeu de la séduction en une situation douloureuse pour tous les deux, il serait plus simple d’avoir une discussion franche avec elle, tu ne penses pas ?
- Très bien, je reconnais que je n’ai pas été très correct mais cela fait un bon moment que je ne l’avais pas vu et je doute qu’elle attende quoi que ce soit de moi.
- Une très belle déclaration qui illustre parfaitement ce que j’ai dit précédemment.
- Pardon ?
- Ce n’est pas parce qu’elle n’a pas envie de coucher avec toi que tu ne dois pas lui parler ! Vous avez partagé quelques bons moments dans le passé, non ?
- Heu… sans doute, répondis-je sans trop m’avancer.
- Pas de faux-fuyants avec moi ! s’énerva-t-elle en faisant un pas dans ma direction. Jusqu’où peux-tu fuir tes propres sentiments ?
Je ne pus m’empêcher de reculer d’autant.
- Je ne vois toujours pas pourquoi vous m’accusez de complicité avec les Horreurs.
- Non ? Que prônent les adeptes des Horreurs comme ceux de la Main de la Corruption que tu as combattus à plusieurs reprises ?
- Heu… la fin du monde actuel ?
- Ils prêchent que ce monde est trop abîmé et qu’il est vain de lutter. Qu’il faut accepter la destruction de celui-ci pour qu’un autre monde renaisse de ses cendres. Tu es d’accord avec ça ?
- Hein !? Mais non, pas du tout !
- Alors pourquoi cesses-tu de lutter ? Pourquoi propages-tu le désespoir autour de toi ?
- Mais je ne…
- Tu te laisses couler et tu te détaches chaque jour un peu plus de tes amis, de tes responsabilités et de tes sentiments. À ce train-là, dans deux mois la Main de la Corruption te recrute.
- C’est juste une mauvaise passe…
- À d’autres ! Et si nous parlions un peu de Maloniel maintenant.  
- Ah…
- En effet : Ah ! Elle est presque aussi désespérée que toi et ne comprend pas ce qu’elle a bien pu te faire pour que tu la traites ainsi. Tu as une explication valable, pour changer ?
- Hé bien… en fait… c’est à cause de… heu…
- Tu veux parler de ta princesse thérane ?
- Heu…
- Tu peux parler librement, elle ne peut pas nous entendre.
- Ah ? Heu… en fait, Miraëlan est très jalouse et elle m’a prévenue que si mes ex-copines revenaient me tourner autour, ça pourrait mal se passer.
- Elle te l’a dit comme ça ?
- Heu… pas exactement mais c’est ce que ça voulait dire, répondis-je avec hésitation.
- C’est ce que ça voulait dire ou bien c’est ce que tu as compris ? insista-t-elle.
- Hé bien… je ne sais pas trop.
- Tu en as parlé avec elle ?
- Pas vraiment car ça me semblait être un sujet sensible.
- Bien sûr que c’est sensible puisqu’elle t’aime. Et c’est justement parce que c’est sensible qu’il faut en parler. Le problème avec toi… pardon… le principal problème avec toi c’est que tu communiques à minima sur des sujets très importants en ne voulant froisser personne. Ensuite, tu tires tes propres conclusions à partir des bribes d’informations dont tu disposes. Que crains-tu avec Miraëlan ?
- Qu’elle s’en prenne à elles. Ce n’est pas pour moi que j’ai peur mais je ne voudrais pas que Maloniel ou Carelia souffre à cause de la jalousie de Miraëlan.
- Elles souffrent déjà de tes actes. Au moins, elles comprendraient mieux la jalousie d’une rivale plutôt que tes maladroites tentatives de les protéger qu’elles ne peuvent interpréter que comme un rejet de ta part puisqu’elles ignorent tout de ta princesse possessive.
- Peut-être…
- Non, c’est sûr ! As-tu essayé de parler avec Maloniel ? Même pas, je vois.
Devant mon silence, ses yeux se froncèrent.
- Tu pensais quoi, qu’elle allait se faire une raison et que tu aurais plus tard une statue pour ton sens du sacrifice ?
- Mais non ! Je…
- Tu es un égoïste ! Tu ne raisonnes que par toi et pour toi ! Tu trahis tout ce que je représente ! Sortis de ton luth et de tes envies amoureuses, tu ne penses à rien !
- Quoi !? Mais c’est vous qui m’avez donné ce luth !
- Bien sûr ! Et ?
- Et… c’est bien pour que je retrouve Andelin, non ! m’enflammai-je à mon tour.
- Te l’ai-je demandé ?
- …?
- T’ai-je donné comme mission de retrouver Andelin toutes affaires cessantes, en oubliant tes vœux de questeur ? T’ai-je demandé autre chose que de faire ce à quoi ton cœur aspirait à ce moment-là ?
- Non, mais…
- Mais tu as encore interprété à ta manière. Tu t’es mis tout seul une pression et tu te sers de ce prétexte pour sacrifier tout le reste. Tu cours comme si je t’avais interdit de vivre tant que la cité ne serait pas retrouvée alors que tout cela ne sort que de ton imagination un peu trop fertile. Tu deviens paranoïaque mon pauvre Valérian !
- Vous ne me ferez pas croire que vous m’avez donné ce luth par hasard.
- Bien sûr que non ! J’espère que tu trouveras Andelin mais je ne te l’ai jamais demandé. Comprends bien qu’à travers cette quête, autant qu’Andelin, c’est toi-même que tu dois trouver. Accomplir cette quête, c’est surtout t’accomplir toi-même. Mais tu n’y parviendras que si tu vas au-delà de toi-même, si tu surmontes tes faiblesses et si tu es capable de fédérer les personnes autour de toi. Tu peux prendre Andelin pour une quête personnelle si cela te chante mais elle ne pourra en aucun cas être une quête solitaire. Là, comme ailleurs, tu auras besoin de tes amis ; de tes amis actuels et de tous ceux que tu pourras te faire lors de tes aventures. Comprends-tu ?
- Ce que je ne comprends pas vraiment, c’est pourquoi moi ?
- Tu recommences à te déprécier. Il est vrai que tu n’es pas prêt aujourd’hui pour Andelin mais tu le seras demain, ou l’année prochaine… ou la suivante. Je ne t’ai pas choisi pour ce que tu es car je te trouve passablement énervant avec tes doutes et ta manière de tout envisager avant d’agir, et notamment le pire. Si je t’ai choisi, c’est pour ton potentiel. Pour ce que tu pourrais devenir. Pour ta sensibilité dépouillée de ses craintes, pour ton enthousiasme dépouillé de son pessimisme, pour ton charisme dépouillé de son égoïsme. Je veux que tu fasses ta mue, que tu grandisses enfin et que tu arrêtes de geindre à la moindre difficulté !
- La moindre difficulté ? Mais j’ai failli mourir des dizaines de fois !
- Bien sûr ! Mais tu es là, non ? Tu pensais que c’était un boulot facile d’être un héros ? Tu crois que tes ennemis vont reculer parce que tu gémis ? Remarques, ça commence à fonctionner avec moi, ajouta-t-elle avec un sourire sans joie.
- Mais je n’ai jamais voulu être un héros…
Je me repris sous son regard appuyé.
- … Heu… enfin, ce genre de héros là…
- Ah bon, il y a plusieurs types de héros maintenant ?
- J’ai passé trois ans chez les Téméraires d’Urupa et nos aventures n’avaient rien à voir avec tout ça. Nous ne courrions pas partout, nous étions respectés et payés pour notre travail. Là… j’ai l’impression que l’on attend de nous que l’on règle tous les problèmes de la région et que si on nous offre en plus l’auberge gratuite, il faudra dire merci.
- Tu exagères et tu mélanges tout, comme souvent quand ça t’arrange. Les Téméraires sont plus une bande d’aventuriers-mercenaires que des héros.
- Là, je ne suis pas d’accord. Ils sont connus et respectés.
- Comme des mercenaires réglos, rien de plus. Dis-moi, as-tu entendu parler des Téméraires d’Urupa depuis que tu es dans la vallée d’Olsir ?
- Hum… en fait, non…
- Alors que je peux t’assurer que l’on entend déjà parler des Lions de Pierre à Urupa. Pourquoi, à ton avis ?
- À cause du siège de Brindol peut-être ? hasardai-je.
- Effectivement, mais pas seulement. Votre amitié, votre capacité à réussir l’impossible et votre désintéressement raniment l’espoir des gens du commun. Ils savent qu’il y aura quelqu’un pour les protéger contre les menaces que la garde ne pourra pas gérer. C’est autre chose que d’escorter un convoi et de percevoir une paye, tu ne penses pas ?
- Peut-être…
- Tu es désespérant ! Je crois que je n’ai jamais vu quelqu’un autant refuser d’assumer ce qu’il souhaite. Pourquoi veux-tu être un héros ? Pour gagner de l’argent ?
- Hein ? Non, ça n’a rien à voir…
- Alors arrêtes de te plaindre que tu n’es pas payé. Pour tuer des gens, peut-être ?
- Mais non enfin !
- Alors arrêtes de dénigrer tes talents de combattant. Alors c’est quoi ?
- Je ne sais pas trop, c’est un mélange de… heu… d’aventures avec un peu de… hum…
- Souviens-toi de tes rêves de jeunesse : c’était des aventures ou tu étais célèbre et où tu sauvais des princesses elfes. Aujourd’hui, tu as plus d’aventures que tu en rêvais, tu commences à être célèbre et tu as sauvé une princesse elfe de la manière la plus absolument romantique et désintéressée qui soit. Alors qu’est-ce qui ne va pas ?
- Tout ça va trop vite ! Ça m’échappe ! Je ne choisis rien et je cours partout avec l’impression de ne rien contrôler et que tout est écrit à l’avance. Les événements s’enchaînent comme une gigantesque trame et je ne sais pas où cela me mènera.
- Je vois. Tu penses que chaque homme maîtrise son destin ? Tu penses qu’un paysan est plus libre que toi alors qu’il doit se tuer à la tâche chaque jour où voir sa famille souffrir ? Tu refuses ton rôle car il te fait peur et parce que tu continues à fuir les responsabilités, là comme ailleurs.
- Ce n’est pas vrai ! J’essaie de veiller sur ceux qui me sont chers et de ne pas faire n’importe quoi.
- Eh bien, ce n’est pas une réussite jusque-là !
Elle avança encore d’un pas et pointa ma poitrine d’un doigt fuselé, l’œil noir de colère contenue.
- Séducteur égoïste et dangereux pour ses conquêtes ! Aventurier timoré, râleur et pessimiste ! Questeur fainéant et traître à ses valeurs ! Voilà l’image que tu laisseras de toi si tu continues. C’est ce que tu veux ?
Face au déferlement et à la puissance des attaques, je reculai encore d’un pas, butai contre mon lit et tombai assis sur le matelas, moralement sonné.
Sans me laisser le temps de répondre, Astendar poursuivit son réquisitoire implacable :
- Tu as l’impression d’étouffer sous les problèmes parce que tu les esquives plus que tu ne les résous. Et tout en continuant à t’en créer de nouveau.
- Mais je n’y peux rien, ce sont les ennuis qui se succèdent les uns aux autres. À chaque fois que je pense résoudre un problème, j’en crée deux autres.
- C’est donc que ta méthode de résolution n’est pas la bonne, non ?
- Je ne sais plus… j’essaie de faire au mieux avec mes faibles moyens mais je n’y parviens pas. Alors, si en plus la seule personne en qui je crois me dit que je fais fausse route, je suis perdu.
Je me pris la tête à deux mains, complétement abattu et les yeux au bord des larmes. J’avais l’impression que la bouée à laquelle je m’accrochais dans la tempête venait soudain de disparaître.
- Je suis sincèrement désolé de vous avoir déçu. Je suppose que vous êtes venu reprendre le luth et me retirer mon titre de questeur ?
Elle me fixa de manière songeuse le temps de deux battements de cœur puis son regard se teinta de compassion et un léger sourire ourla ses lèvres.
- Pas encore, Valérian. Tout le monde a droit à une seconde chance et je persiste à croire en toi. Plus que toi, en tout cas. Par ailleurs, tu es impliqué dans trop de choses importantes pour que je change de champion à ce stade. Il y a quand même de bonnes choses en toi et tu dois t’appuyer dessus.
- Par exemple ?
- Tu aimes bien que l’on te fasse des compliments, hein ? sourit-elle.
- Heu…
- C’est bon, je te taquine. Miraëlan t’a pourtant déjà expliqué pas mal de choses lors de votre retour de la jungle de Servos, non ?
- Comment le savez-vous ? rétorquai-je avec effarement, avant de me rendre compte de l’absolue vacuité de ma remarque qu’elle ne prit pas la peine de relever.
- Tu cherches à aider, tu es généreux, loyal, fidèle, plus courageux que tu ne le penses et que tu seras bientôt un artiste tout à fait correct. Et si ta curiosité pouvait aussi s’exercer dans d’autres domaines que celui des jolies filles, cela n’en serait que mieux. Tu dois plus t’intéresser aux autres, et pas seulement à la gent féminine, multiplier les amitiés et les alliances.
- Je n’ai rien d’un meneur d’hommes…
- Pas pour le moment, certes, mais cela viendra peut-être. C’est la volonté qui te manque, pas le charisme ni le talent. Bon, je vais te faire confiance une nouvelle fois et t’aider à remonter la pente. Commençons par parler de tes relations avec les filles.
- Ah… bon… si vous voulez, répondis en éprouvant à nouveau des difficultés à déglutir.
- La plupart de mes questeurs ou des libertins courtisent les filles, passent la nuit avec puis poursuivent leur route en continuer à papillonner ici et là. C’est ta conception ?
- Non, je préfère m’attacher à une fille et développer de réels sentiments, répondis-je avec conviction. 
- Et c’est bien le problème !
- Hein ? Mais c’est quand même plus respectueux que de tirer un coup et au revoir !
- C’est surtout hypocrite. Avec les autres, c’est limpide et la fille se fait une raison au matin. Toi, tu veux leur corps et leur amour. Tu prends le temps de les séduire, tu leur fais miroiter une belle histoire à venir et tu disparais.
- Mais parce que les événements l’exigent. J’aurais voulu passer plus de temps avec Carelia, avec Maloniel et Luriel.
- C’est quoi ta devise ? Fidèle à toutes ?
- Exactement ! Je les aime toutes à ma manière !
- Sauf que ta manière n’est pas la leur. Tu repars à l’aventure en emportant un morceau de leur cœur.
- Et en leur laissant un morceau du mien en échange. Je n’ai jamais menti !
- Et tu le vis bien ?
- Heu… pas vraiment, non…
- Donc, pourquoi le vivraient-elles bien de leur côté ? Tu penses avoir un Amour véritable dans chaque ville ? Une fille qui se languit de toi et passe son temps à t’attendre ?
- Mais non, elle est libre de vivre sa vie de son côté. Je n’ai jamais demandé à Maloniel ou à Carelia ce qu’elles faisaient quand je n’étais pas là.
- Non, car tu es persuadé de leur amour. Elles ne raisonnent pas comme toi et leur amour à elle est exclusif, contrairement à toi.
- Peut-être. Mais je ne leur ai jamais menti. J’ai toujours été franc avec Carelia et il en est de même avec Maloniel.
- Et la situation te satisfait ?
- Non, mais c’est plus du fait de l’urgence de certaines aventures que de nos relations.
- Admettons. Et depuis Miraëlan ?
- Là, c’est sûr que ça a tout compliqué.
- Hé oui ! Tu ne peux pas lui mentir à elle ni la laisser derrière toi. Tu es arrivé à un moment où tu dois faire un choix et tu t’y refuse, d’où tes problèmes.
- J’avoue que je n’aime pas l’idée de tirer un trait définitif sur toutes les femmes que j’aime pour satisfaire la jalousie d’un spectre, répondis-je de mauvaise grâce.
- Et si tu abordais la situation d’une manière plus positive en disant que tu vas transformer tes petites copines en amies en leur expliquant que tu as enfin rencontré la fille de tes rêves ? Elles seront peinées, jalouses, mais ça passera rapidement et elles se feront une raison, surtout si tu continues à entretenir leur amitié… mais pas leur amour !
- Sauf que je ne peux pas leur présenter cette personne et qu’elles vont croire que je leur raconte des craques.
- Je suis sûr que ta princesse ne se fera pas prier de t’aider à écarter gentiment ses rivales. Ce sera plus correct pour tout le monde et tu arrêteras de te faire du mouron à ce sujet.
- Sauf que question… heu… amour, je pourrai faire ceinture alors.
- Je suppose que tu veux parler de sexe, parce que côté amour, ta princesse n’en manque pas à ton égard.
- Hum… oui.
- Je pense que le problème sera bientôt réglé. Soit patient et confiant en l’avenir.
- Vu ce qu’il a tendance à me réserver l’avenir…
- Ne recommence pas avec ton pessimisme ! Tu as déjà vécu et survécu à plus d’aventures que dix adeptes n’en vivront dans toute leur vie. Et pour en terminer avec Miraëlan, tu as aussi intérêt à changer d’attitude avec elle.
- C’est-à-dire ?
- Tu es son sauveur, un aventurier valeureux qui partage les mêmes valeurs qu’elle. Elle te considère comme son égal alors que toi tu ne fais que te déprécier. Si tu continues ainsi, elle finira par douter aussi de toi et le doute est très efficace pour tuer la passion. Sois fort, tiens-lui tête de temps à autre et prouves-lui que tu es digne d’elle.
- Et comment je fais ça ?! Elle n’a pas de corps, elle dispose de ses pouvoirs de sorcière et de spectre et elle de noble naissance.
- Et toi tu es un héros qui lui a sauvé la vie. Elle est encore jeune et idéaliste. Tu crois que tu auras d’autres occasions d’avoir une princesse amoureuse ? Tu penses aussi temporiser avec elle et aller courtiser une princesse humaine ou une princesse naine ? C’est la compagne idéale d’un héros et la fille de tes rêves et toi tu ne raisonnes qu’en termes de problèmes. Si elle t’aime vraiment, elle n’utilisera pas plus ses pouvoirs contre toi que toi ses bracelets contre elle.
- C’est une princesse thérane, elle a l’habitude d’être obéie.
- Mais pas par son égal et celui qu’elle a choisi comme compagnon.
- Mais peut-être qu’elle ne voudra plus de moi quand elle aura un corps ?
La Passion leva les bras au ciel d’exaspération.
- Alors quand elle n’a pas de corps, ça ne va pas et quand elle en aura un ça n’ira pas non plus ! Vas-tu donc arrêter d’imaginer le pire à chaque fois ? Tu es incorrigible ! Valérian, aime cette fille parce que tu n’en trouveras pas d’autres plus proches de tes rêves. Elle est courageuse, elle a de l’humour et de la répartie, vos talents se complètent au mieux. Si tu rates cette histoire d’amour, tu le regretteras toute ta vie et tu le sais au fond de toi.
- Oui… je l’aime c’est sûr mais il y a tellement d’incertitudes…
- La vie est faite d’incertitudes, il va falloir que tu l’admettes ! »
Face aux arguments d’Astendar, mon horizon sentimental s’éclaircissait sensiblement. Charge à moi d’y apporter le beau fixe.
 
La Passion fit quelques pas et s’assit sur le lit à mes côtés, posant le luth entre nous. Le geste n’était pas neutre.
« Passons désormais à tes aventures et tes quêtes.
- Très bien. Tout mène à Andelin, n’est-ce pas ? Et il faut que je me dépêche ?
- Pourquoi donc ? s’enquit-elle en fronçant ses fins sourcils de curiosité.
- Je pense que vous comptez sur nous pour retrouver Andelin et nouer des relations avec le Bois de Sang afin de ramener les elfes dans l’alliance de Barsaive pour contrer l’offensive thérane.
Elle me contempla un instant avec incrédulité.
- Mais où vas-tu donc chercher tout ça ? C’est indéniable, tu as un vrai don pour les associations farfelues.
- Mais alors, pourquoi maintenant ? Et pourquoi le Bois de Sang ?
- Tu imagines chacune de tes aventures comme une somme d’obstacles vers ta quête alors que c’est un subtil enchaînement qui te permettra d’arriver à Andelin avec suffisamment de chances de succès. Tu vois Miraëlan comme une relation imposée alors que sans elle, tu n’aurais pas survécu à ta confrontation contre l’Horreur Agoastya. Et si vous n’aviez pas détruit l’Horreur, vous n’auriez pas récupéré la Fleur Éternelle.
- Et sans l’aventure du trésor de Vertecrête, je n’aurai pas récupéré la pierre étoilée du luth, poursuivis-je à sa place. Et sans la pierre, le luth est incomplet et mes chances de retrouver Andelin réduites à peau de chagrin.
- C’est cela. Tu comprends comment les pièces s’assemblent, mais tu te méprends sur le pourquoi. Tu crois que je te manipule alors que je t’aide de mon mieux.
- J’avoue effectivement que le pourquoi de tout cela m’échappe.
- C’est parce que tu vois Andelin comme le but d’une quête alors que ce n’est qu’une étape – certes importante - d’une aventure plus vaste et qui aura d’autres répercutions que le retour d’Andelin.
- Par exemple ?
- Par exemple, la libération de la princesse Miraëlan, la destruction d’Agoastya, l’exploration du kaer Argovesia, le retour de la Fleur Éternelle, l’échec des visées de Langue-Jaune T’silver, la découverte de la pierre étoilée, la destruction d’une cellule de la Main de la Corruption, l’arrivée des navires volants perdus, la protection d’Aardéla, la survie d’Augure, et bien d’autres encore qui restent à venir.
- J’avais donc raison sur le fait que tout soit lié.
- Certes.
- Alors pourquoi vous parlez d’associations farfelues ? m’étonnai-je
- Parce que cela n’a rien à voir avec les Thérans.
- Vous allez me faire croire que c’est une coïncidence qu’ils lancent leur offensive à ce moment ?
- Je n’ai pas dit cela mais les Thérans représentent un événement mineur dans cette trame.
- Mineur ?! Mais la guerre risque d’embraser tout Barsaive ! m’insurgeai-je.
- Valérian, les ennemis des Passions sont les Horreurs et leurs sectaires, pas les thérans. Que les thérans gagnent ou perdent, il y aura toujours de l’amour et des artistes. Si les Horreurs gagnent, il n’y aura plus rien. Tu comprends bien la nuance, non ?
- Facile à dire à votre niveau, maugréai-je.
Astendar poussa un soupir d’exaspération et je cru l’entendre maugréer un… juron ?!
- Bon, je vais prendre une analogie à ton niveau. Est-ce que tu fais une grande différence entre Eliora Nash et Miraëlan d’un côté, et Maloniel et Luriel de l’autre ?
- Heu… un peu mais pas trop…
- Et avec Marlek et Agoastya d’une part, et Maloniel et Luriel d’autre part ?
- Ah ! Très drôle !
- Non, pas très drôle, c’est la réalité ! Tu es capable de tisser des liens avec des thérans comme avec des barsaiviens. Il te reste simplement à ne pas les limiter à des histoires de fesses et à en faire un talent qui soit utile à tous contre les Horreurs.
- Thérans et Barsaiviens ensemble ?!
- Et pourquoi pas ? Vous avez plus de choses en commun que vous le pensez. Et une guerre à outrance entre vous ne profitera qu’aux Horreurs.
- Bon, je suppose que ça ne coûte pas grand-chose d’essayer.
- À condition d’y croire ! Si tu le fais, il faut que tu que tu y mettes de la détermination. Comment veux-tu convaincre les autres si toi-même tu n’es pas convaincu ?
- J’ai bien compris mais je ne peux pas vous promettre un miracle.
- Hum… te connaissant, je suppose qu’il faudra que je me contente de cela pour l’instant.
- Bon, reprenons, pourquoi Andelin et pourquoi maintenant ?
- Et pourquoi je supporte tes questions incessantes ? demanda-t-elle avec une certaine hauteur.
- Heu…
- Je t’accorde un peu de temps, certes, mais tu n’es pas encore mon confident, ajouta-t-elle en fronçant légèrement des sourcils.
L’entretien était tellement prenant et intime que j’en avais oublié qui était réellement mon interlocutrice.
- Pardon, Madame. Je ne voulais pas vous manquer de respect. Ma curiosité m’a poussée trop loin.
- Il n’y a pas de mal et ne t’excuse pas pour ta curiosité. Ma remarque ne valait que pour marquer une ligne rouge à ne pas dépasser.
- Bien compris.
- Pour répondre en partie à ta question, Andelin n’a rien à voir avec les Thérans. Ma position dans ce conflit tout à fait neutre. Il n’y a donc pas d’urgence à ce sujet. En revanche, il y a urgence à sauver Augure.
- En quoi est-il donc si important ?
- Tu ne veux pas aussi que je t’accompagne pendant tes aventures pour te tenir la main ? rétorqua-t-elle avec ironie.
- Écoutez, c’est proposé avec tellement de gentillesse que je n’ai pas le cœur de refuser, répliquai-je sur le même ton.
Le temps d’une seconde, ses yeux changèrent de couleur et je crus être allé trop loin. Finalement, un léger sourire apparut sur ses lèvres parfaites.
- Bien… je vois que tu reprends du poil de la bête. Je préfère encore tes impertinences à tes pleurnicheries. Mais j’espère que tu sais jusqu’où aller, ajouta-t-elle en levant un index pour signifier une mise en garde.
Je baissai les yeux en signe de contrition feinte mais elle ne fut pas dupe un seul instant.
- Bats-toi pour chaque aventure car c’est un peu de ton monde que tu protèges à chaque fois. Chaque vie sauvée, c’est de l’espoir en plus et l’espoir est encore la meilleure arme contre les Horreurs. Ne crois pas que seule Andelin a de l’importance. Si tu raisonnes ainsi, tu ne verras jamais la mythique cité. C’est au travers de toutes ces quêtes que tu penses secondaires que tu créeras les conditions de succès pour les quêtes principales. Chaque objet magique, chaque amitié nouée, chaque ennemi respectable épargné, tout aura son importance à un moment donné.
- En gros, je n’ai aucun droit à l’échec… si vous vouliez soulager la pression, ce n’est pas très réussi, remarquai-je.
- Tu as un certain droit à l’échec mais ta marge est limitée. Et si tu abordes chaque aventure en te disant que ce n’est pas grave si tu échoues, tu peux tout de suite creuser un trou pour toi et ceux que tu aimes.
- J’adore votre manière de me rassurer !
- Si tu insistes vraiment, je reprends le luth et tu peux retourner chez tes parents pour que tu les aides aux champs pendant que le monde sombre lentement dans les ténèbres. Ça te tente ?
Ses yeux étaient de nouveau sombres et inquisiteurs.
- C’est bon, j’ai compris. Je pense qu’à la longue je m’habituerai à être traité de héros et à sauver le monde. Après tout, je ne peux m’en prendre qu’à moi et vous n’avez fait que me donner ce à quoi j’aspirai, répondis-je d’un ton faussement contrit.
- De l’ironie, de la bravade et du discernement en une seule tirade ?! C’est tellement étonnant de ta part que c’en est inquiétant, me renvoya-t-elle avec un sourire en coin qui me fit fondre.
Je souris en retour et n’ajoutai rien de plus.    
- Bon, passons maintenant au troisième point ! enchaîna-t-elle après quelques secondes de silence.
- Qui est ?
- Moi !
- Heu… je ne suis pas sûr de bien comprendre.
- C’est une phrase qui est valable pour beaucoup de choses avec toi !
- Hé !
- Bon, tu as encore un peu d’amour-propre, ça ne peut pas faire de mal. Plus sérieusement, peux-tu me définir ton rôle de questeur ?
- Heu… développer le nombre de personnes qui vous vénère, défendre vos valeurs, résoudre la quête d’Andelin, construire des temples. Ça me semble pas mal déjà, non ?
- Hum… c’est bien ce que je craignais. Tu te méprends complètement sur ton rôle et – plus grave encore – sur mon rôle.   
- À vous écouter, j’en viens à me demander si mon seul talent n’est pas la constance dans l’erreur, répondis lentement, blessé par son commentaire.
- À l’instar de toutes les Passions, je ne suis pas une fin mais un moyen. Je suis l’incarnation des arts et de l’amour et je me nourris de cela, pas des prières ni du nombre de temples. Amener les gens à s’aimer et à pratiquer des activités artistiques me rendra plus forte que construire un temple où les gens viendront se recueillir. Si nous nous appelons des Passions, ce n’est pas pour rien. Sans une foi et un enthousiasme véritables, rien ne perdure. Et, hormis les Passions folles, chaque donneur-de-nom peut renforcer plusieurs Passions sans affaiblir les autres s’il vit pleinement.
- J’ai du mal à vous suivre…
- Par exemple, quand vous avez décidé de restaurer le fort et de fonder le village de Vräss, vous avez œuvré pour Upandal et Garlen plus que pour Thystonius ou Astendar mais cela ne nous a pas affaiblit pour autant car vous n’avez renforcé aucune Passion folle. Ne voit pas les autres Passions comme des concurrents mais comme des alliés… sauf les Passions folles bien sûr.
À l’évocation des Passions folles, elle eut un imperceptible silence, son visage se fermant dans une expression attristée, et je crus un instant voire ses yeux briller.
- Ton rôle n’est pas d’amener les gens à me prier ou me vénérer dans des temples. Ils me rendront meilleur hommage à s’aimer et à pratiquer les arts.
- Je dois donc amener les gens à plus de tolérance et d’optimisme par mes actions, et cela passe par les arts et l’amour… au sens large bien sûr.
- C’est ça !
- Vous auriez pu être un peu plus explicite au début !
- Pardon ?
Nouveau froncement de sourcils.
- Heu… enfin, je veux dire que vous me reprochez de ne pas dialoguer assez mais je constate que j’ai été recruté sur un malentendu.
- Des critiques ?! Je passe deux heures avec toi pour me faire critiquer !?
- Enfin… heu… c’est juste une remarque, me défendis-je. Et la susceptibilité n’est pas censé faire partie de vos domaines de prédilection, ajoutai-je avec un aplomb un brin forcé.
- J’aurai tout entendu… Le pire c’est que ce n’est pas faux. La plupart n’ont pas besoin de mode d’emploi pour être questeur, mais j’aurais dû me méfier avec toi et mettre quelques points sur les « i ». Toutefois, comprends bien une chose, la plupart des questeurs d’Astendar se sont auto-proclamés comme tels et ne m’ont jamais vu. Tu es un petit privilégié. Bon, il est temps de revenir au sujet. Que comptes-tu faire avec le temple de la jungle de Servos ?
La remarque me prit au dépourvu et doucha ma bonne humeur naissante.
- Le temple de Servos ?
- Oui, celui qui est souillé et que tu as laissé en l’état.
- Dans un premier temps, j’avais prévu de revenir pour le… purifier, nettoyer, restaurer, enfin ôter la corruption. Mais je me suis demandé pourquoi prendre des risques pour un temple perdu au fond de la jungle ? Qui en profiterait ?
Nouveau soupir.
- Je me demande si tu écoutes quand je parle. Les enfants de cinq ans sont plus réceptifs que toi. Qui est notre ennemi, Valérian ? C’est moins la restauration du temple que la suppression de la corruption qui m’importe.
- Mais il n’y a personne là-bas !
- Premièrement personne ne veux pas dire rien, tu sais que la jungle est remplie d’animaux et de créatures. Ensuite c’est faux, tu as bien vu qu’il y a des tribus primitives et des clans t’skrangs. Sans compter les thérans qui patrouillent dans le coin. De toute manière, toute créature ou donneur-de-nom corrompu, qu’il soit barsaivien ou théran, est une avancée pour les Horreurs. Tu vas le comprendre ou il faut que je teste la solidité du luth sur ta tête ?
- Heu… d’accord, j’ai entendu. Je ne dois pas sauver seulement Barsaive mais le monde entier.
- Essayes déjà de combattre au lieu de trouver de bonnes raisons de ne rien faire, ça sera un grand pas en avant.
- Je pense à quelque chose…
- Ça aussi, c’est un grand pas en avant !
Je pris mon air le plus peiné et affrontai son demi-sourire.
- Si vous ne rencontrez pas vos questeurs, comment vous faites pour vous débarrasser de ceux qui ne conviennent pas ?
- Les petits malins dans ton genre, tu veux dire ? s’enquit-elle avec malice.
- Heu… en quelque sorte.
- Continues sur ta lancée et tu le sauras bientôt !
- Je fais ce que je peux et j’ai quand même œuvré pour vous.
- Vas-y, donnes–moi donc des exemples.
- Le festival en début d’année !
- Accordé, ça c’était utile. Ensuite ?
- J’ai joué et chanté dans la plupart des auberges où nous nous arrêtions, poursuivis-je avec un peu moins de conviction.
- Comme n’importe quel troubadour moyen. Où est ton rôle de questeur dans tout cela ? Ensuite ?
- Heu…les femmes de Thregaz peut-être ?
- Accordé même si c’est assez mineur comme résultat, convint-elle.
- Sans ça, il n’y aurait peut-être pas eu Afiriz et Afiriz a été déterminante contre la plupart des adversaires de la jungle de Servos, autochtones, thérans ou pirates.
- J’ai déjà dit « accordé » ! Ensuite ?
- Heu…
- Maigre bilan au bout de trois années, non ? Je t’ai fait don de pouvoirs de questeurs, qu’en as-tu fait ?
- Ben… ils sont quand même limités ces pouvoirs…
- Tu veux quoi ? Qu’Astendar te permette de lancer des boules de feu ? Te transformer en géant pour massacrer tes ennemis ? Je suis Astendar, pas Thystonius. Si tu veux des pouvoirs faciles à utiliser et qui t’aident en combat, tu t’es trompé d’adresse. Et depuis quand tu aimes la facilité ?
- Je sais, je sais, j’aurais encore mieux fait de me taire.
- Bien ! Il me semble que l’on a fait le tour et j’espère que tu as une vision plus claire de ton rôle et de tes moyens.
- Certes et je vous en remercie. Toutefois…
- Tu as encore des questions ? Le contraire m’aurait étonné.
- Je voudrais parler de Garel.
- Ton fils ? Que veux-tu savoir ?
- L’enchantement qui le protège de la corruption, c’est vous n’est-ce pas ?
- Peut-être... ça te pose un problème ?
- Je ne sais pas. Supposons que je fasse un truc qui ne vous plaise pas, vous allez le retirer ?
Alors que la Passion devinait ma vraie question informulée, elle haussa ses sourcils d’incrédulité.
- C’est pas vrai… Tu penses que je serais capable de faire pression sur toi par l’intermédiaire de ton fils, c’est bien ça ?
- Heu… l’idée m’avait effleurée, éludai-je devant sa réaction. Toutefois, je ne le pense plus ce soir.
- Mais cela ne t’empêche pas de me poser la question ! Me prendrais-tu pour le traître Vestrial ? Je suis la Passion de l’Amour ! Tu crois que je vais utiliser ton enfant pour te manipuler ?
- Euh… non… Mais alors… pourquoi Garel ?
- Pourquoi Garel ?! Il y a au moins trois bonnes raisons à l’existence de cet enfant. Premièrement, il n’y a pas que ton avis en jeu et j’ai écouté les prières ferventes d’une humaine.
- Ah ? Qui ça ?
Les yeux au ciel, elle leva les bras en signe d’impuissance.
Elle souhaitait un enfant de son héros avec tellement de passion que Garlen et moi avons satisfait son souhait. Je te rappelle que tu étais en plein cœur de la guerre, avec des chances assez faibles de revenir. Garlen a insisté pour qu’elle ait un souvenir de toi si tu ne revenais pas.
- Ah… C’est une raison valable, effectivement. Ensuite ?
- La seconde raison était une manière de marquer le début de notre collaboration par un événement inoubliable.
- Il me semblait bien que vous étiez personnellement impliquée dans cette conception. Vous allez me faire croire que Garel est un cadeau d’embauche ?!
- C’est une manière assez inélégante de voir les choses. Je dirai plutôt qu’il est le fruit d’un moment de pures Passions.
- Hm… passons. Et la troisième raison ?
La troisième raison, elle nous a été soufflée par Floraneus. Il était persuadé que la joie de vivre d’un enfant assurerait de te donner, à toi, une raison irréductible de te battre pour ce monde.
- Pardon ?
- Sans Carelia et Garel, te serais-tu battu de la même manière pour Brindol et le val d’Olsir ? Aurais-tu fait le discours aux orks il y a quelques jours ?
- Je… je ne sais pas ! C’est vrai que l’idée qu’il puisse leur arriver quelque chose m’insupporte.
- Nous avons donc eu raison. Cet enfant bat en brèche ta définition de la liberté totale que tu prônes si fort et qui n’est rien d’autre que du détachement et le refus des responsabilités. Tu comprends peu à peu que tu as de multiples raisons de te battre, et Garel en est une supplémentaire. C’est ton monde, Valérian. Les Passions peuvent aider les donneurs de nom mais disposent de bien peu de pouvoir par elles-mêmes. Si un adepte comme toi ne se bat pas avec passion, ferveur, courage et détermination, qui le fera ? Tes amis auront aussi besoin de toi et tu devras être là pour eux.
- Thregaz ?
- Oui, entre autres.
- C’est vrai cette histoire de rejeton d’Horreur ?
- Peut-être… Je ne suis pas là pour te donner des informations mais pour te remettre sur le droit chemin d’un questeur d’Astendar.
- Et Kratis Gron ?
- Ah ! Comprendrais-tu enfin qu’il n’y a pas qu’Andelin et l’art elfique qui soient dignes de l’intérêt des Passions ? De tous les donneurs-de-noms, les orks sont sans doute les plus fervents serviteurs des Passions. Et parmi les orks, Krathis Gron est sans doute la plus fervente d’entre tous ! Tu ferais bien de suivre son exemple et de comprendre comment les idéaux des Passions se rejoignent pour construire un monde meilleur pour tous les Donneurs-de-Noms. Je crois d’ailleurs que tu l’as positivement impressionnée, récemment. Même si, encore une fois, je ne crois pas que tu lui aies témoigné beaucoup de gratitude, ni même de respect !
- Hum…
 
Cela commençait à faire beaucoup à digérer pour moi et je restais silencieux, ruminant tout ce que j’avais appris lors de cette longue conversation.
- Bon, j’ai réussi à te faire taire. Fini les questions, je crois que tu as eu toutes les réponses dont tu avais besoin. Le reste est en toi.
Je la fixai avec gravité.
- Je vous remercie pour la seconde chance que vous m’offrez et j’essaierai d’en être digne.
- Tss tss ! commenta-t-elle avec un sourire narquois.
- Pardon… je vous promets de faire tout ce que je peux pour en être digne.
- C’est déjà mieux ! Mais attention : je te garde à l’œil. Si les choses ne vont pas mieux à courte échéance - et je parle plus de ton état d’esprit que de l’avancée de tes quêtes - je récupère le luth et tes pouvoirs si « peu utiles », ajouta-t-elle avec un petit froncement de sourcils que je connaissais un peu trop bien désormais.
- J’en ai conscience.
- … Et je donnerai le luth à l’ork Taladar pour qu’il poursuive la quête !
- Hein ?! Ah non, pas lui ! Un ork pour retrouver une cité elfique !?
- Et toi tu es elfe peut-être ? Te voilà donc avec une motivation supplémentaire, conclut-elle avec malice.
- Message reçu…
- Bien, il est temps de nous dire adieu.
Tout à coup, une vague panique s’empara de moi à l’idée qu’elle parte. Sa seule présence réchauffait plus l’atmosphère de la chambre que le feu oublié et mourant. Je percevais seulement à quel point sa silhouette était sensuelle, son visage rayonnant, ses gestes gracieux. Le souvenir de la première nuit passée avec Carelia me submergea alors.
- Comment voulez-vous que je ferme l’œil de la nuit après tout ça ? commentai-je avec une exaspération feinte.
- Si ce n’est que ça… »
Elle leva un bras et je perdis brusquement connaissance. Sans avoir le temps de lui dire au revoir !
 
 
 
 
Je me réveillai tard dans la matinée, parfaitement reposé, avec le sentiment ébahi d’avoir fait un rêve délicieux. Les détails étaient flous, mais il me semblait que j’avais eu une longue conversation avec la plus belle femme du monde.
Alors que le sommeil se dissipait légèrement et que j’essayais de faire durer cette délicieuse sensation, tout en profitant de la douceur suave du repos au chaud sous les couvertures, les détails du dialogue me revinrent d’un seul coup en découvrant dans ma chambre un objet qui n’y était pas quand je m’étais couché. Sur une chaise de la chambre contre laquelle j’avais déposé le précieux luth, un rai de lumière à travers les volets éclairait, comme pour attirer mon attention, un étrange rouleau de parchemin que je savais ne pas être à cet endroit quelques heures auparavant, mais qui me procura une sensation de déjà-vu.
En ouvrant le rouleau, je découvris avec une stupeur qui céda bientôt place à la résignation, un ensemble de quatre documents intitulés « Les Graines d’une Nation ». Le premier, portant le titre « la beauté du feu de Mera-a-a-arg », portait les traces de brûlures importantes, sans pour autant en paraître vraiment dégradé. Comme si on l’avait retiré du feu au moment où, par magie, seules les marges s’étaient consumées, laissant le texte parfaitement déchiffrable…
 
 
 
 
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Chapitre 52 - Recadrage d'un questeur
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